Lausanne est la capitale des horloges en berne

Rédigé par
Frédéric Nejad Toulami
Lausanne

PONCTUALITÉ • La plupart des horloges installées sur le domaine public lausannois sont en panne ou fonctionnent mal depuis de nombreuses années. La Ville a tenté d’intervenir auprès des différents propriétaires de ces garde-temps, en vain jusqu’à maintenant.  Etat des lieux.

«Je suis en retard! En retard!» Pas certain que le célèbre lapin blanc d’Alice au Pays des Merveilles s’y retrouverait s’il s’aventurait dans les rues de Lausanne. Car figurez-vous que la cinquième ville de Suisse ne fait pas honneur à la renommée mondiale de notre nation en matière d’horlogerie, et ce depuis des années. 
C’est un fidèle lecteur de  Lausanne Cités qui a attiré notre attention sur la situation qui prévaut à divers endroits de la capitale vaudoise: «Alors que la Suisse est fière de sa réputation horlogère, je constate que Lausanne dispose de plusieurs horloges sur le domaine public qui ne sont pas à l’heure. Il me semble qu’il serait important de faire en sorte que les propriétaires de ces bâtiments remettent enfin leur pendule à l’heure.»
Cadrans laissés à l’abandon
En effet, les passants attentifs peuvent constater que tant à l’avenue d’Ouchy au-dessus du Closelet, qu’à la rue Saint-Laurent, à la rue Centrale, à Ouchy, ainsi qu’à l’angle Jurigoz-Montolivet, aucun cadran exposé n’indique l’heure correctement. Un comble quand on revendique le swiss made de haute qualité et de précision! Fini le «Y’en a point comme nous»? 
De quoi porter atteinte à la réputation de la ponctualité helvétique supposée? Quoi qu’il en soit, il est certain qu’outre ce non-sens affiché publiquement qui ne rend pas service en déambulant à travers Lausanne, l’image de marque donnée aux touristes suisses et étrangers est malmenée par une telle incurie. Si on regarde plus en détail, on s’aperçoit par exemple que les cadrans de l’avenue d’Ouchy et de la rue Saint-Laurent sont frappés du logo Certina. Ils accompagnaient durant de nombreuses années des boutiques de montres à leur rez-de-chaussée. Ces enseignes ont fermé il y a environ cinq ans, laissant place à d’autres activités commerciales. Et ces horloges semblent dès lors avoir tout simplement été laissées à l’abandon.
Mauvaise réputation
Nous avons contacté la célèbre entreprise locloise Certina à ce sujet. Son CEO, Marc Aellen déplore cet état de fait. «J’avais déjà remarqué cette situation au centre-ville qui me déplaît. Comme notre nom est visible, ça renvoie un mauvais message par rapport à nos produits de qualité», constate-t-il. Le véritable problème selon lui est que les boutiques liées à ces cadrans n’existent plus et que la responsabilité devrait dès lors revenir aux propriétaires des immeubles concernés, car la firme Certina n’a aucun droit là-dessus. «Il faudrait soit les démonter, soit les mettre à jour, estime Marc Aellen. Je vais voir si on peut se mettre d’accord avec ces propriétaires.» Pour l’anecdote, l’horloge à double face installée à l’avenue de la Gare a la particularité de donner l’heure de chaque côté: différente et fausse de part et d’autre! Vers le rond-point de Montchoisi, en bas de l’avenue Jurigoz, la mention historique «Société de développement sous-gare et Cour» est inscrite sur la façade sous le cadran vintage d’une marque qui n’existe plus. Contactée, cette association répond que son président actuel n’a aucune idée du contexte. On nous renvoie vers l’ancien président… qui demeure injoignable. 
L’enseigne horlogère en panne à l’entrée du bistrot Les Brasseurs? Son gérant plaisante, un peu gêné: «Elle donne l’heure au moins une fois par jour. Mais en effet, je dois trouver quelqu’un pour régler cela.» Il admet avoir été averti par les autorités communales qui semblent d’ailleurs souhaiter faire enlever à terme de tels objets afin d’épurer les façades en ville. Quant à l’horloge sur la tour de la majestueuse bâtisse de la place de la Navigation à Ouchy, elle fait partie d’un hôtel historique fermé depuis la pandémie. Un nouveau projet est actuellement à l’étude pour y ouvrir un nouvel établissement.
Pas de véritable base légale
Du côté de la Ville de Lausanne, nous avons sollicité le dicastère de l’économie sur cette problématique. Son porte-parole David Rodriguez rappelle l’historique de la situation: «Il y a quelques années, nous sommes intervenus auprès des propriétaires en envoyant des courriers pour que ces horloges soient réparées, remises à l’heure ou déposées. Pour celles autorisées avec une publicité au bénéfice d’un commerce, nous pouvons intervenir auprès de la gérance pour savoir si celle-ci a encore une utilité ou un lien avec un commerce ou auprès du commerçant afin de lui demander de mettre l’horloge à l’heure.»
Concernant celles d’associations de commerçants et celles intégrées lors de la construction d’un bâtiment, comme à la place de la Navigation, David Rodriguez indique qu’ils peuvent intervenir auprès des gérances, «mais c’est à bien plaire. Dans ce cas, nous n’avons pas de base légale pour
obliger le propriétaire de mettre ses cadrans à l’heure.» 
Propriétaire  responsable
Quid dans le cas où ces horloges toujours posées en façade étaient en lien avec une boutique horlogère attenante qui a désormais fermé? «On s’adresse dans ces cas-là à la gérance qui représente le propriétaire de l’immeuble et on lui demande de faire retirer cette horloge à ses frais, rappelle le porte-parole du dicastère de l’économie. Même si le commerce a disparu, le propriétaire du bâtiment demeure responsable de ce qui est installé sur sa façade.» 
Actuellement, le lapin d’Alice n’aurait aucune chance de rattraper son retard à travers la capitale vaudoise.  

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