La sécurité des voitures augmente: est-ce pour autant un progrès?

Rédigé par
Gil Egger
Société

SÉCURITÉ -Tout le monde connaît les crash-tests de l’institut NCAP, où les constructeurs visent les cinq étoiles.  D’autres dispositifs arrivent, surveillance de la somnolence, anticipation du trafic, etc. Malgré les évidents progrès, des zones d’ombre subsistent.

Les mesures de protection des automobilistes se renforcent. Elles avaient commencé en 1959 avec la ceinture à trois points. L’inventeur suédois et ingénieur aéronautique de Volvo, Nils Bohlin, fraîchement engagé, a eu cette brillante idée. Brevet déposé, mais libre, afin que tous les constructeurs puissent l’utiliser, ce qu’ils ont fait et font encore. 
La liste des ajouts est longue. L’airbag, d’abord unique, puis destiné aux seules places avant, ensuite arrière. Airbags rideaux, de genoux, entre les deux passagers, bref nous en sommes à près d’une dizaine et… personne n’en parle, c’est une évidence. L’ABS, système d’antiblocage des roues, a toujours suscité le malentendu: non, il ne raccourcit pas la distance de freinage, il maintient le contrôle, car si vous tournez le volant et que les roues sont bloquées, vous allez tout droit. La protection des occupants passait aussi par la structure. Les divers éléments sont devenus des «zones de déformation programmées». Des crash-tests frontaux, latéraux, toutes sortes de simulations d’accidents rendent les voitures de plus en plus protectrices pour leurs passagers, enfants compris.
Il fallait détecter le danger 
L’électronique et les capteurs se sont invités à la fête. Les piétons, les cyclistes, les deux-roues motorisés sont dans le collimateur des détecteurs, radars, lidars (combinaison de laser et de radar), caméras embarquées et, enfin, les systèmes interactifs entrent dans les tests en 2025. Tout est surveillé: angle mort, état du conducteur, distance avec le véhicule précédent, risque de verglas, avertisseurs en tous genres. Dans certaines voitures de dernière génération, c’est un festival de bip! Vous dépassez la vitesse limite de 1 km/h, bip. Vous mordez sur la ligne traitillée, un autre bip, vous freinez un peu tard, un avertisseur, vous dépassez et vous faites mine de vous rabattre un peu trop près, une alerte, etc. 
Le mieux est l’ennemi du bien. Au pire, vous vous habituez et vous ne les entendez plus. Ou ils vous agacent prodigieusement. Vous fouillez dans les menus, vous les désactivez. Les normes sont vicieuses: dans certains cas, tout ce que vous désactivez se réactive au redémarrage, il faut recommencer à chaque fois que vous mettez le contact. 
Un accord pour partager les informations 
Le progrès à venir? Il consiste en une surveillance accrue de votre environnement. Les motards qui dépassent et sont invisibles dans votre angle mort représentent un danger… pour eux-mêmes. La distraction aussi. Certaines voitures ont une caméra qui vous surveille discrètement, enfin, pas si discrète, puisque si vous prenez votre téléphone en main ou que vous baillez, un avertissement vous intime d’adopter un comportement plus sûr. 
La multiplication des alertes provoque un agacement. Ou parfois une incompréhension. «Que se passe-t-il?» se demande le pilote, et il regarde ses écrans, alors que ses yeux feraient mieux de rester fixés sur la route. 
Un accord vient d’être signé entre NCAP et DFRS (Data for Road Safety). Ce dernier est une plateforme d’échange entre les constructeurs automobiles, les prestataires de services, les fournisseurs et les autorités routières. L’échange de données relatives à la sécurité entre ces prestataires permet d’agir au niveau local. Le but est de parvenir à la Vision Zéro européenne, identique à celle de plusieurs marques, pour qu’il n’y ait quasiment plus de mort sur la route à l’horizon 2050. Nous n’en sommes qu’aux balbutiements. 
En pratique, les signaux routiers, les caméras, les détecteurs en tous genres de l’infrastructure pourront envoyer leurs données à un cloud, où les constructeurs transmettent celles de leurs véhicules. Un accident? La voiture impliquée émet un signal, relayé dans le secteur à tous les véhicules ayant un système compatible. Ainsi, tous les automobilistes de la zone sont informés. L’étape suivante consiste à ce que les systèmes embarqués, par exemple ceux de navigation, intègrent immédiatement ce danger et agissent, ou fassent agir le conducteur. Tant que tout fonctionne en cohérence, fort bien. Qu’un bug survienne et ce sera le chaos. Imaginez qu’un détecteur croie qu’un accident est arrivé et bloque tous les feux d’un carrefour au rouge? Bonjour l’ambiance! Corollaire à cette débauche de surveillance: les conducteurs se sentent dégagés de leur responsabilité. Pourtant, dans toutes les lois, ce sont eux qui sont responsables au final. Donc, il vaut mieux se dire que le maître à bord, c’est nous, pas toute cette électronique.  

L’électronique peut être dangereuse 

Expériences vécues par deux conducteurs expérimentés. Le premier, moniteur d’auto-école. Sa voiture, une allemande (par charité, nous ne citerons pas la marque), est du dernier cri. Il voit un motard arriver dans son rétroviseur et, comme d’habitude, il se déplace vers la gauche pour le laisser passer entre les files de voitures. Au moment où le deux-roues parvient à sa hauteur, la voiture décide qu’il s’est trop déporté et… reprend les commandes pour se recentrer dans la voie. Surprise du motard, qui passe tout de même, mais se retourne, fâché, croyant à une manœuvre de mauvaise humeur. Autre cas: en entrant sur l’autoroute (dans une voiture d’une autre marque… allemande), le conducteur met quelques secondes de trop avant d’enclencher son clignoteur. Le système freine et donne un coup de volant, comme pour la remettre à droite. Surprise et heureusement que personne ne suivait de trop près. Des exemples montrant que, quels que soient les systèmes de sécurité de votre véhicule, apprenez à les comprendre afin d’éviter toute mésaventure. Gardez le contrôle! 

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