
NIVEAU SCOLAIRE • L’école obligatoire vaudoise peine de plus en plus à faire rentrer les savoirs de base dans nos chères têtes blondes. Des professionnels s’en inquiètent et esquissent des solutions.
Si la rentrée approche, elle aura lieu ce lundi 18 août, le niveau scolaire des élèves, lui, s’éloigne dangereusement de ce qu’il fut il y a seulement 10 ans. Ce constat est confirmé par l’expérience de nombreux enseignants.
À l’instar de Marie-Laure, enseignante vaudoise de 45 ans, une bonne part constate qu’«une grosse proportion des élèves de 12 à 15 ans sont incapables de comprendre des textes complexes, de faire des calculs basiques de tête et même de s’organiser dans leur travail, ce qui les empêchent d’avancer efficacement dans les apprentissages… Leur mémoire de travail et leur esprit critique a baissé notablement ces sept dernières années. Et je suis obligée de revoir mes attentes à la baisse!»
Des chiffres inquiétants
En mai, une étude, menée sous l’égide de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de l’instruction publique, révélait qu’à peine 41% des élèves romands atteignaient les objectifs minimaux en orthographe en fin de scolarité obligatoire! Ce chiffre chutait à 40% sur Vaud contre 50% dans le Jura et 44% en Valais. En outre, la dernière étude PISA indiquait qu’en Suisse, 35% des jeunes de 15 ans n’ont pas les compétences de base en lecture et en mathématiques. Et aussi que le niveau baisse dans ces matières clés, respectivement depuis 2012 et 2009… Pour mémoire, en 2016 déjà, une autre étude nationale constatait une baisse du niveau d’orthographe en Suisse depuis les années 50, avec une nette accélération sur les dernières décennies…
Jacqueline de Quattro fustigeait cette situation «lamentable» sur Blick.ch en juin dernier. «Au moment où l’IA s’immisce dans notre quotidien, il est indispensable de renforcer les compétences de base», analyse la conseillère nationale PLR. Laquelle déplore «que la majorité de nos enfants passe plus de temps sur les réseaux sociaux qu’à faire leurs devoirs». Soit «une dépendance qui peut les rendre influençables, vulnérables».
Marie Pedroni, auteure du livre «Désolé pour l’orthografe» (Éd. Favre, 2023), estime que des responsabilités sont à trouver dans l’institution scolaire, chez les parents et dans l’omniprésence des écrans. «Il faudra voir si le retour aux fondamentaux, réclamée par un grande partie de la population, se concrétise. Nous faisons face à un problème, qui dépasse les murs de l’école, et il n’est pas certain qu’elle arrive à redresser la situation seule», craint cette professeure de français.
Un boulevard pour le privé…
Philippe Favre, auteur du livre «École à la dérive? Cap sur les solutions» (Éd. Favre, 2025) déplore que la formation des enseignants soit «focalisée sur la pédagogie au détriment de la maîtrise de sa matière et de l’orthographe»; la perte massive de l’autorité des maîtres en classe; et le fait que les parents ne tirent pas toujours à la même corde que les enseignants dont ils se méfient même souvent…
Le spécialiste invite à mettre un terme à la médicalisation de l’échec scolaire. «L’échec fait partie du processus d’apprentissage», rappelle-t-il. Pour lui, élus et directeurs d’établissement doivent restaurer les enseignants dans leur rôle de maître de la classe. Et ce en recréant les conditions pour qu’ils connaissent bien leurs élèves et ce qui marche avec tel ou tel profil.
Et les professeurs de leurs côtés doivent intégrer et responsabiliser les parents dans la recherche de solutions pour leur enfant. «Sans cela, on continuera à aller vers une école à deux vitesses et à tracer un boulevard aux écoles privées», prédit cet enseignant fraîchement retraité.
La DGEO se dit «interpellée»
Contactée, la Direction générale de l’enseignement obligatoire et de la pédagogie spécialisée (DGEO) «ne peut pas affirmer qu’il y a une réelle baisse du niveau des compétences fondamentales (COFO) des élèves vaudois». Selon elle, une telle baisse ne pourrait de toute façon pas se mesurer en scrutant les tests COFO. «Car ces tests n’offrent qu’une photographie à un instant T sans comparaison possible avec les tests précédents qui n’ont pas le même périmètre ni les mêmes objectifs», précise Lise Leyvraz Dorier, déléguée à la communication de la DGEO. Malgré tout, la DGEO explique avoir été «interpellée» par l’étude nationale, évoquée dans notre article et qui pointait une baisse du niveau. La DGEO explique prendre des mesures concrètes. Elle a élaboré ses propres moyens d’enseignement conformes au Plan d’études romand. En français, par exemple, le support d’entraînement «Mes premiers pas en lecture», adapté à l’approche syllabique, en fait partie. Il met au centre le raisonnement, aussi bien sur le fonctionnement de la langue que sur l’orthographe, afin que l’élève puisse corriger ses propres textes. Il permet également d’impliquer les parents dans les apprentissages de leurs enfants. «La détection des élèves en difficulté est également une priorité pour la DGEO, qui collabore ainsi depuis huit ans avec la HEP pour effectuer des tests en 3e année et proposer des soutiens adaptés aux enfants qui en ont besoin.»