PORTRAIT • A 40 ans, cette artiste française abandonne sa carrière dans le management pour se consacrer à la peinture. Quinze ans plus tard, son cerveau si particulier qui lui permet de peindre spontanément en superposant deux images, est étudié au CHUV.
A une certaine distance vous voyez une image. A une autre, vous en voyez une nouvelle… Cela s’appelle la peinture quantique et c’est la marque de fabrique - elle est la seule à faire ça - de Véronique Barrillot une artiste-peintre française établie à Dijon et dont le nom commence à être connu et reconnu dans le monde très fermé de l’art.
«Je suis capable de me concentrer sur deux sujets en même temps, explique-t-elle. C’est comme si s’établissait une sorte de tunnel entre mon cerveau et la toile, créant deux images superposées en même temps dans mes œuvres. Les deux sujets sont ainsi intriqués au sens quantique, sans jamais se mélanger.»
Hyper connectivité
Ce «câblage» cérébral un peu particulier n’a pas manqué d’intriguer deux chercheurs, le docteur Olivier Rouaud et le professeur Bogdan Draganski du service de neuro-imagerie du CHUV. En mars 2019, ils ont ainsi soumis le cerveau de l’artiste à une IRM cérébrale fonctionnelle.
Et le résultat est sans appel: Véronique Barrillot fait preuve d’une hyperconnectivité cérébrale. «Cette forte connectivité intrinsèque des voies visuelles permet à l’artiste d’exprimer sa créativité et de développer constamment sa virtuosité selon un modèle de circuit neuronal de production artistique. C’est cet ensemble qui aboutit à la production des œuvres Double Vision» écrivent ainsi les deux chercheurs, dont le travail d’étude sur l’artiste se poursuit encore.
Cette aptitude innée, Véronique Barrillot n’a évidemment pas manqué de la développer et de la faire fructifier, tout au long des années. «C’est bien sûr quelque chose que je développe avec le travail, comme tout processus d’apprentissage, observe-t-elle. Grâce à l’aisance progressivement acquise, des collectionneurs peuvent me proposer des sujets, ce qui me permet de travailler sur commande».
Des commandes qui affluent donc désormais, ainsi que des expositions un peu partout dans le monde, y compris en Suisse, ce qui autorise, privilège dans ce monde très concurrentiel, la Dijonnaise à vivre de son art si particulier.
Pari réussi
Un pari réussi, mais qui n’était pas gagné pour celle qui, il y a une quinzaine d’années, décide d’abandonner son métier de cadre dans une entreprise. «J’étais dans le management et j’avais vraiment en moi une envie ancrée de me consacrer à la peinture. Alors j’ai commencé à réfléchir à des peintures que l’on n’aurait jamais vues, et qui puissent questionner et pousser le public à changer son point de vue. C’est comme cela que j’ai imaginé le concept de toiles qui puissent se transformer à l’avancée alors qu’auparavant on privilégiait toujours les transformations à l’angle».
Le résultat, ce sont des dizaines d’œuvres époustouflantes, avec une esthétique qui touche toujours à l’universel, via un personnage peint en résonance avec un autre personnage, (David Bowie et le mime Marceau), ou avec son totem (Camus et son œuvre) ou encore avec un objet symbolique (l’avion de l’aéropostale et Saint-Exupéry).
Autodidacte
Le plus fou dans ces performances artistiques hors normes est que Véronique Barrillot n’a jamais suivi le moindre cours de dessin, ne s’est jamais inscrite à la moindre école d’art. Elle est entièrement… autodidacte.
«Très jeune, j’avais 12 ans, un de mes professeurs m’avait dit: “Je ne pourrai jamais t’apprendre à dessiner”. A l’époque cela m’avait énormément inhibée sourit l’artiste, jusqu’à ce que je finisse par comprendre, bien des années plus tard, que cela signifiait en réalité que je n’avais pas besoin d’apprendre à dessiner»…