Pénurie d’apprentis: le canton de Vaud remonte lentement la pente

Rédigé par
Charaf Abdessemed
Vaud

FORMATION • Partout en Suisse romande, de nombreuses places d’apprentissage peinent encore à trouver preneur. Dans le canton de Vaud, les autorités et les partenaires de la formation s’efforcent depuis plusieurs années de renverser la tendance en multipliant les mesures de soutien et de promotion. Mais malgré ces efforts, le chemin demeure long et les défis persistent. 

Les chiffres fournis par le site orientation.ch sont particulièrement éloquents: en Suisse, en cette période de rentrée scolaire, plus de 9500 places d’apprentissage sont enregistrées comme étant vacantes. 
Au 20 août dernier, le Canton de Vaud en recensait à lui seul pas moins de 379, une tendance également observée à Genève ou en Valais, mais avec moins d’ampleur.  
Sans surprise, la question de la recherche d’apprentis se pose avec beaucoup plus d’acuité dans des secteurs spécifiques comme le bâtiment, l'hôtellerie, la restauration ou bien entendu les soins à la personne. 
Tous ces secteurs, connus pour leur forte pénibilité, rencontrent d’ailleurs d’une manière générale, des problèmes chroniques de recrutement de personnel.  
379 places vacantes
Avec près de 379 places vacantes sur les quelque 19’500 jeunes en apprentissage, Vaud semble en outre être l’un des cantons où l’apprentissage suscite le moins de vocations. 
Ce chiffre, la chercheuse senior à la Haute école fédérale en formation professionnelle HEFP de Renens, Barbara Duc tient néanmoins à les relativiser. «Il faudrait prendre la peine de le rapporter au total du nombre de places disponibles pour le mettre en perspective.Ce nombre est possiblement plus élevé dans le canton de Vaud qu’à Genève».
Pourtant, depuis quelques années, le Canton consent un important effort en faveur de l’apprentissage, via un plan d’action spécifique et de nombreuses ciblées.
Très prisé, le Salon des métiers et de la formation, qui se tient chaque année en automne à Beaulieu, en est d’ailleurs un élément majeur, accueillant pas moins de 50’000 visiteurs lors de sa dernière édition en 2024.
Premiers effets
Les premiers résultats de cet engagement se font d’ores et déjà sentir:en octobre dernier, et pour la première fois depuis longtemps, le nombre de jeunes faisant le choix de l’apprentissage était en hausse de 1%, s’élevant à plus de 20%. Et selon les chiffres fournis à Lausanne Cités par le Département de l’enseignement et de la formation professionnelle, à l’heure où nous mettons sous presse, seuls 8% des places vacantes demeurent non pourvues, contre 13% lors de la rentrée 2021-2022. 
Une école de vie
«Dans les années septante, il y avait 12% des jeunes qui entraient au gymnase contre 40% aujourd'hui, ce qui donne une sérieuse indication sur le statut actuel de l’apprentissage, qui est pourtant une véritable école de vie, car dans l’apprentissage, rien n’est jamais perdu, observe le conseiller national UDC Jacques Nicolet, dont l’exploitation agricole a formé plus de 40 apprentis. Cela veut dire que malgré les forums de métiers et tout ce qui se fait aujourd’hui dans le canton, il faut vraiment renforcer encore plus la qualité de l’orientation professionnelle pour que durant leurs dernières années d’école, les jeunes soient encore mieux informés de ce qui existe en termes de possibilités de formation». Et de pointer du doigt une autre piste d’amélioration: «de nombreuses entreprises consacrent énormément de temps à recruter des apprentis, sans résultats. C’est pour cela que pour les soutenir, j’ai déposé en mars dernier une interpellation fédérale intitulée «Soutenir les entreprises formatrices par un rabais sur l’IFD par place d'apprentissage et encourager les apprentis par un bonus apprentissage». 
Suffisant? Pas sûr quand on se penche sur les explications de la désaffection des jeunes Romands pour l’apprentissage. Ces dernières sont, en effet, multiples: «En tant que syndicalistes, nous mettons surtout en avant la question des conditions difficiles dans lesquelles l’apprentissage se déroule, explique Félicia Fasel, présidente de la Commission de la jeunesse de l’Union syndicale suisse dont la lettre ouverte au Conseil fédéral exigeant huit semaines de vacances pour les apprentis vient de rassembler plus de 176’000 signatures. Faire un apprentissage, c’est suivre en réalité une double formation, à la fois en entreprise et à l’école, avec des devoirs à faire, tout juste cinq semaines de vacances et le tout pour des salaires qui restent modestes.»
Transition difficile
À la Haute école fédérale en formation professionnelle (HEFP) de Renens, de nombreuses recherches ont été menées ces dernières années sur la problématique des apprentis qui rompent leur contrat en cours de formation, un phénomène complexe qui interroge autant la préparation des jeunes que les conditions d’accueil en entreprise. 
«Ces recherches disent beaucoup de choses quant aux difficultés rencontrées par les jeunes apprentis, relève Barbara Duc. Elles mettent ainsi l’accent sur la problématique de la transition entre l’école et le travail, un vrai choc pour certains jeunes qui doivent d’abord passer par un processus de recrutement et ensuite s’adapter au monde du travail. L’autre question qui apparait souvent est le manque de reconnaissance pour les formateurs en entreprise, qui s’engagent beaucoup pour cette tâche, parfois même sans cadre structuré (cahier des charges, décharge temporelle)  et souvent sans reconnaissance salariale pour ce travail ». 
Car au-delà des chiffres, c’est bien l’avenir d’une génération et la pérennité de secteurs essentiels de l’économie vaudoise qui se jouent dans ce débat. 
 

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