COOPÉRATION • En quinze ans, un partenariat entre Lausanne et Nouakchott a permis de construire 250 kilomètres de conduites d’eau potable. Rencontre à Ouchy avec Fatimetou Abdel Malick, présidente du Conseil Régional de Nouakchott.
Lausanne Cités: Lausanne et Nouakchott fêtent quinze ans de partenariat pour l'accès à l'eau en faveur des populations les plus démunies. Quel bilan en tirez-vous?
Fatimetou Abdel Malick: Avec ce projet, 15% de la population a désormais accès à l’eau, et ce grâce à la construction d’un réseau qui représente pas moins de 10% du réseau total, ce qui est énorme. Ce projet qui a énormément évolué en quinze ans, est d’une importance cruciale car le stress hydrique que vit mon pays engendre un important exode vers la capitale, qui, à elle seule, concentre désormais un tiers de la population, dont une bonne partie est très vulnérable. Le partenariat entre Nouakchott, Lausanne et désormais plus d’une centaine de villes, vient précisément répondre à ces besoins croissants.
A quelles difficultés avez-vous été confrontée?
Notre eau provient soit des nappes phréatiques, soit du fleuve Sénégal, distant de plus de 200 km. L’acheminer demande d’énormes moyens, c’est pour cela que de mon côté, j’ai beaucoup agi pour que l’état mauritanien s’implique aussi dans la construction de certains segments du réseau. L’autre difficulté a été l’étalement de la ville de manière horizontale qui nous impose de réfléchir désormais à un aménagement urbain qui favorise la croissance verticale…
En quoi la coopération entre villes est-elle plus intéressante que celle entre états?
La mise en relation, les synergies sont infiniment plus faciles, avec moins de bureaucratie. Et puis entre villes, on se comprend bien mieux, car on a la même expérience des problèmes: que l’on soit à Lausanne ou à Nouakchott, l’objectif commun est la recherche de solutions pour la population, et les villes par leur proximité, sont toujours le premier niveau de réponse…
Qui dit coopération, même décentralisée, dit bénéfice des deux côtés. Que peut apporter Nouakchott à Lausanne?
Grâce à ce partenariat, Lausanne acquiert une expérience non négligeable, d’ailleurs matérialisée par la présence chez nous de jeunes scientifiques volontaires qui font l’interface entre les deux villes. Et puis il y a aussi une question de visibilité: Lausanne est maintenant très connue à Nouakchott, du simple citoyen au président de la Mauritanie (rires)…
Qu’avez-vous appris de ce partenariat?
Enormément de choses. D’abord que l’on peut financer des projets par des expressions solidaires comme le «Centime solidaire», et ensuite que l’on peut sortir du bilatéral pour aller vers des collaborations entre plusieurs communes, plus rentables et plus impactantes pour les populations. Et puis j’ai appris aussi, en côtoyant des personnes engagées et sincères, que les Suisses sont des humanistes, qui aux simples jumelages entre villes, savent privilégier des projets bien concrets via des partenariats.
Comment voyez-vous la suite de ce partenariat?
Nous n’avons ouvert l’accès à l’eau qu’à 15% de la population de ma ville! J’entends bien en ajouter quinze autres, et puis pourquoi pas élargir la coopération à d’autres types de projets, dans l’agriculture ou autres…
Vous êtes la première femme élue maire dans votre pays… Avez-vous le sentiment d’être une exception?
Je viens d’un pays où la femme a une place relativement privilégiée dans la société je ne me suis jamais sentie inférieure durant mes 23 années d’expérience de gestion locale. Et en réalité, je ne suis pas la seule: beaucoup de femmes mauritaniennes brillent dans leur domaine…