CONFLIT PARENTAL • Un quadragénaire lausannois passe près de trois heures par jour sur la route pour amener sa petite fille de cinq ans et demi à l’école. Epuisé et en colère, il dénonce le manque d’humanité du département de l’enseignement vaudois et la lenteur de la justice.
C’est un homme qui se dit brisé et désemparé. En colère aussi, face à un système qu’il considère comme inhumain et rigide. Pourtant, son histoire est celle de nombreuses familles vaudoises qui volent en éclat du jour au lendemain. «Les problèmes ont commencé il y a environ trois ans, quand la mère de ma fille et moi avons décidé de nous séparer, se souvient Stéphane*. Très vite, la séparation s’est avérée très conflictuelle et notre fille qui était alors âgée de deux ans est vite devenue un motif quotidien de dispute.»
Démarches figées
Suite à une première décision de justice, la mère obtient la garde exclusive de l’enfant et décide de quitter le domicile familial lausannois pour la région morgienne. Elle scolarise ensuite la petite, alors âgée d’un peu plus de quatre ans, à Vufflens-le-Château. Seulement voilà, les années passent et la situation se complique encore: «Mon ex-concubine a eu de graves problèmes psychiques, elle a été hospitalisée à cause d’une tentative de suicide, c’est pourquoi, cet été, la justice vaudoise a décidé de m’octroyer la garde de ma fille pour la protéger.» Ce qui devait être un motif de réjouissance pour Stéphane* se transforme très rapidement en cauchemar. Car la mère a fait appel de la décision de justice, et en attendant le jugement définitif, la fille reste scolarisée à Vufflens-le-Château, obligeant son père à multiplier les allers-retours: «Chaque jour, je dois lever ma fille aux aurores pour l’amener à son école située à près de 30 kilomètres de notre domicile, désespère le quadragénaire. Entre le trafic et le trajet sur l’autoroute A1 bouchonnée, cela représente jusqu’à 45 minutes rien que pour l’aller. Je passe ainsi près de trois heures par jour sur la route pour faire deux allers-retours quotidiens. Ce qui est d’autant plus absurde, c’est qu’une école se trouve à seulement 250 mètres de notre domicile. Pourtant, les démarches pour un changement d’établissement semblent figées dans une bureaucratie rigide, même en cas de circonstances exceptionnelles.»
Et d’ajouter: «En tant qu’entrepreneur, je peux heureusement m’adapter et compter sur une équipe pour pouvoir m’épauler. Mais ce temps perdu sur la route impacte lourdement mon travail et ma productivité. Si j’avais été employé, il est fort probable que je n’aurais plus de poste aujourd’hui…»
Du provisoire qui dure…
Autre problème soulevé par Stéphane*, la structure parascolaire du village, La Vufflantine, serait dans l’incapacité de trouver une solution stable pour accueillir sa fille à midi, l’obligeant à devoir la prendre au travail pour éviter d’avoir à effectuer une nouvelle fois le trajet à midi. Contactée au téléphone, la direction de La Vufflantine, décrit une situation bien différente: «Le père nous a sollicités pour un accueil d’urgence de sa fille, les lundis, mardis, jeudis et vendredis midi. Un premier contrat de garde a été établi à sa demande pour la période allant du 16 septembre au 27 octobre, couvrant les lundis, mardis et vendredis. Les jeudis, notre structure étant complète, nous avons convenu de la prendre en charge en dépannage en fonction des absences d’autres enfants.» A la fin du premier contrat, un prolongement a été convenu avec Stéphane* pour couvrir le mois de novembre, jusqu’au 1er décembre. Cependant, à fin novembre, le père n’ayant pas obtenu l’autorisation de changement d’établissement scolaire, il a sollicité La Vufflantine pour une nouvelle prolongation de contrat. Malheureusement, les places disponibles les lundis et mardis lors des deux premiers mois n’étaient plus libres à partir de décembre. La structure parascolaire lui a alors proposé un contrat pour le vendredi, seul jour où elle disposait encore de places.
Bureaucratie pointée du doigt
Du côté de la Direction Générale de l’Enseignement Obligatoire du Canton de Vaud (DGEO), on ne souhaite pas commenter un cas particulier, d’autant plus qu’il est en cours de procédure. Son porte-parole, Julien Schekter, rappelle cependant que, d’une manière générale, la DGEO et les établissements font preuve d’une grande souplesse et de bienveillance dans les situations de séparation. «Dans la pratique, l’enfant peut donc soit rester scolarisé au lieu de domicile du couple avant sa séparation, soit être scolarisé au nouveau domicile de l’un de ses parents dans l’attente que la situation juridique du couple se stabilise. Mais lorsque des décisions de justice portent explicitement sur la question du lieu de scolarisation, la DGEO est tenue de les appliquer.»
Pas de quoi tempérer la colère de Stéphane*: «Ce qui m’arrive met en lumière le fossé grandissant entre les beaux discours et les théories sur l’inclusion sociale et la réalité des pratiques institutionnelles. Les structures censées soutenir les familles en temps de crise se révèlent souvent trop rigides pour s’adapter à des situations pourtant bien réelles. Les besoins des papas en difficulté méritent d’être pris en compte avec plus de flexibilité. Des démarches administr
*prénom fictif, identité connue de la rédaction