Lausanne, Strasbourg et les Allemands: une histoire de rues

Rédigé par
Ulrich Doepper, Pierre Thomas et Michel Zendali
Lausanne

ODONYMIE POLITIQUE • A Lausanne, on fait de la politique en baptisant les rues, et cela date de la Première Guerre mondiale.

Lors de la Première Guerre mondiale, par exemple, les Lausannois étaient favorables aux Français – contrairement à la Suisse allemande – et avaient été échaudés par une affaire d’espionnage qui avait éclaté à la fin de l’année 1915, «l’affaire des colonels». L’état-major avait alors manipulé le cryptographe lausannois André Langie (1871-1961) à son insu pour fournir des informations aux Allemands. Deux colonels furent condamnés, mais les peines restèrent plutôt clémentes.
Rue de Lausanne
Lorsque, le 27 janvier 1916, les Allemands pavoisèrent leur consulat pour célébrer l’anniversaire de l’empereur Guillaume II, ce geste ne passa pas inaperçu. Les sociétés d’étudiants laissèrent libre cours à leur patriotisme et à leur germanophobie en chantant «Roulez tambours», le Cantique suisse et… La Marseillaise. Le drapeau impérial fut décroché, et l’écusson du consulat arraché. Les rues furent agitées jusqu’au milieu de la nuit. 
Un journal raconte que «le Grand-Pont présentait, à peu de choses près, le spectacle qu’il offre dans la soirée de Sylvestre, au moment de la sonnerie des cloches». En réaction à ces événements, la ville de Strasbourg – l’Alsace était alors allemande − débaptisa la rue de Lausanne de son quartier suisse et la renomma rue de Rheinfelden.
Que répondit-on à Lausanne? L’extension urbaine vers l’ouest, par l’avenue de France, atteignait alors le temple de Saint-Paul. Une transversale, rejoignant l’avenue d’Echallens, avait été construite, mais n’avait pas encore de nom.
Rue de Strasbourg
Au mois de juin 1916, en réponse à l’affront allemand, on baptisa donc cette rue «de Strasbourg»; elle qui est raide et courte alors que Strasbourg est une ville plate et étendue. On prit bien soin d’utiliser l’orthographe française. Les Alsaciens rendirent son nom à la rue de Lausanne en 1918 et la débaptisèrent une nouvelle fois entre 1940 et 1945. n

Le texte de cette rubrique est tiré du livre «111 lieux à Lausanne à ne pas manquer»,  de Martine Dutruit (photos), Ulrich Doepper, Pierre Thomas et Michel Zendali (textes), éditions emons: www.111lieux.com
Disponible en librairie. 

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