ÉNERGIE • Après pas moins de huit semaines de travaux, l’aménagement hydroélectrique de Lavey, propriété de la Ville de Lausanne, produira bientôt à nouveau de l’électricité. Reportage.
Dans les jours à venir, l’aménagement hydroélectrique de Lavey-les-Bains reprendra du service. Comme tous les sept ans, cette installation clé, propriété des Services industriels de Lausanne (SiL) a été mise «hors d’eau». En moyenne chaque année, 400 GWh d’électricité y sont produits, alimentant ainsi 130’000 ménages de l’agglomération lausannoise. Cette interruption a permis de procéder à d’importants travaux d’entretien.
Sauf que cette fois, ils ont duré huit semaines contre une dizaine de jours habituellement! Lors de la précédente inspection en 2018, les techniciens avaient remarqué que le radier de la conduite d’amenée d’eau de 7,75 mètres de diamètre et de 4 km de long, qui capte les eaux du Rhône à proximité du barrage situé en amont de la centrale et dimensionnée pour un débit concédé de 220 m3/s, était très usé par l’érosion. Et pour cause, les eaux glacières du fleuve sont très minérales. Elles charrient avec elles jusqu’à 120 tonnes de sable en suspension par heure! Or ces sédiments usent à petit feu le sol de la conduite mais aussi les trois turbines Kaplan.
550 m3 de béton coulé
Ces travaux de rénovation d’un coût de près de deux millions de francs ont été réalisés par une vingtaine de professionnels du consortium JPF Dénériaz, suite à un appel d’offres. Ces derniers ont d’abord dû éclairer toute la galerie, normes de sécurité de la Suva obligent, avant de la nettoyer pour y couler au sol un total de 550 m3 de béton sur 1 m 60 de large. C’est escorté de Patrick Aeschlimann, employé des SiL en charge de superviser ce chantier, que nous nous enfonçons dans les entrailles de la montagne. «Ces travaux de maintenance se déroulent à cette période car le débit du fleuve est alors moindre et on y perd donc moins en termes de production et aussi car nous sommes hors-période de fraie des poissons et c’est donc plus écologique, nous explique l’ingénieur de 45 ans. En plein été ou en plein hiver, cela reviendrait trop cher.»
Une infrastructure pérenne
Tout le temps des travaux, le débit du Rhône a été notablement plus élevé entre Evionnaz et Lavey. Le fleuve flirte avec les 150 m3/s contre seulement 2 m3/s habituellement à cette période. Après avoir franchi les trois turbines de 3 m 70 de diamètre, nous entrons dans la conduite via un trou d’homme de 45 cm de diamètre. Claustrophobes s’abstenir! De là, nous rallions rapidement l’entrée de la chambre d’équilibre, une zone importante où les changements de débit soudains peuvent être encaissés sans dommage. Trois ouvriers s’activent encore sur place, pelles à la main. Dans cette gigantesque cathédrale de béton, habituellement noyée sous les eaux furieuses, on reste fasciné. L’ambiance est onirique mais aussi un peu anxiogène. Le bruit sourd des génératrices diesel d’éclairage et de ventilation y contribue, tout comme le fait d’être privés de nos habituels repères visuels.
«Avec ces réfections, on espère contribuer à pérenniser l’aménagement pour les décennies à venir», lâche Patrick Aeschlimann dans un sourire. Ici, on s’inscrit dans le temps long. Réaliser que les efforts dantesques et bien pensés des anciens, continuent de nous éclairer aujourd’hui a quelque chose de fascinant. L’aménagement hydroélectrique de Lavey a été construit sur une durée de 4 ans et inauguré en 1950. Il s’agit d’une infrastructure clé pour la ville de Lausanne mais aussi pour son actuelle municipalité rose-verte, ravie de pouvoir y produire le tiers de ses besoins électriques de manière propre.
Cet ouvrage hydroélectrique souterrain à basse chute, creusé dans les contreforts de la Dent de Morcles sous l’école de police de Savatan, est une belle carte de visite pour la capitale vaudoise. «Elle rappelle que notre ville a été pionnière de l’hydroélectricité dès le début du XXe siècle dans cette région et permet de proposer des prix bas à nos citoyens», se félicite le municipal Xavier Company. Lausanne constitue en effet une exception romande.
Un "atout"
Avec Zurich, elle est même la seule grande ville de Suisse à posséder des Services industriels intégrés et son propre outil de production électrique. «C’est grâce à cet atout, que nous avons été en mesure de n’augmenter nos tarifs ‘’que’’ de 50%, au plus fort de la crise énergétique de 2021-2022, quand le +2000% était la norme sur le marché», rappelle Xavier Company. Dans l’actuel contexte géopolitique instable, conserver une certaine autonomie énergétique est important.
La «houille blanche» couvre 60% des besoins suisses contre seulement 16% en moyenne dans le monde. C’est un atout appréciable pour Lausanne que la réfection de Lavey contribue à préserver.