La publicité pourrait bientôt 
disparaître des rues de Crissier

Rédigé par
Elise Dottrens
Vaud

AFFICHAGE • Une motion votée au dernier Conseil communal demande la suppression de l’affichage publicitaire dans l’espace public. L’objectif principal: désaturer le paysage visuel de la commune. Si elle a été acceptée par la majorité, elle n’enchante pas le syndic. 

Salt, McDonald’s et Amag seront peut-être bientôt bien moins présents à Crissier. Non pas qu’ils pensent à déménager dans une autre commune, mais leurs affichages publicitaires sont dorénavant menacés par une motion votée lundi 3 novembre au Conseil communal crissirois. 
«On se fait bombarder visuellement de publicités non sollicitées», explique le conseiller communal Simon Barraud. Il a déposé la motion «Pour une politique communale responsable de l’affichage publicitaire à Crissier». «Nous estimons qu’il s’agit d’une atteinte à la qualité de vie.» 
Démarche non partisane
Concrètement, plusieurs demandes constituent le texte. Celui-ci requiert en effet la suppression de la publicité commerciale sans lien avec le lieu, excluant de l’interdiction les enseignes, vitrines ou informations relatives à l’activité d’un lieu précis. Les informations communales, comme la prévention, les affiches culturelles ou officielles, seront maintenues dans le cadre d’emplacements précis. Le mobilier urbain, tels que les abribus par exemple, ne feront pas partie de ces endroits et devront rester libres d’affichage publicitaire. 
Une motion acceptée relativement confortablement, avec 37 oui, 25 non et 3 abstentions. Le groupe «Sauvegardons Crissier», un rassemblement non partisan dont Simon Barraud fait partie et qui rassemble des idées allant du centre à la droite, a largement plébiscité l’idée de son membre. 
Le ROLC, et le RESOC, plus à gauche quant à lui, ont également soutenu cette motion. Du côté du «Centre droite Crissier», les conseillers étaient plus mitigés, pour des raisons notamment de liberté d’expression et de commerce. «Si l’on veut respecter les principes de liberté d’expression et de commerce, il paraît difficile d’imposer des critères équitables, ont-ils tenu à rappeler. Pourquoi certaines entreprises ne pourraient-elles pas user de ce droit, alors que d’autres, celles qui ont une vitrine, pourraient le faire?»
Intérêts larges 
Et si l’idée a, de manière générale, convaincu autant à gauche qu’à droite, c’est parce qu’elle touche des intérêts à la fois très personnels, ainsi que plusieurs philosophies. La motion fait en effet état de plusieurs dangers liés à une publicité intempestive: encouragement à la consommation et à l’endettement, bruits et pollution lumineuse pour les panneaux publicitaires électroniques, et concurrence déloyale pour les petites entreprises locales. 
Pour le regroupement écologiste et social, les arguments anticapitalistes ont probablement fait pencher la balance. «Pour nous, il s’agit en priorité d’harmonie paysagère mais aussi de compenser la forte densification de la commune», complète Simon Barraud.  Pour l’instant en effet, le bourg garde une apparence très villageoise, mais la commune grandit au rythme de ses nouveaux quartiers, qui, eux, sont davantage peuplés de panneaux publicitaires. 
Et pour Simon Barraud, c’est sans compter sur l’importante zone industrielle présente sur le territoire de la commune. «Il y a beaucoup d’industries et de commerces, donc il n’y a pas un besoin additionnel de publicité. McDonald’s, Coop et Migros, par exemple, ont déjà leurs devantures. Ils sont bien présents, et ils n’ont pas besoin de plus de visibilité.»
Contrepartie 
Mais selon le conseiller communal, l’argument final concerne les finances apportées par la publicité, qui sont moindres. «Les revenus issus de la publicité sont anecdotiques. La Municipalité a d’ailleurs reconnu un impact financier neutre.» Le syndic Laurent Bovay ne l’entend cependant pas de cette oreille. «L’affichage commercial nous permet tout de même de percevoir des rentrées financières. La convention que l’on partage avec la société d’affichage nous permet d’avoir accès gratuitement à des panneaux digitaux et à une prestation d’affichage lors d’élections et de votations. C’est donc une contrepartie.» 
Le syndic questionne également les conséquences de cette interdiction: «Nos associations, sportives ou culturelles, ne fonctionneraient pas sans sponsorings. Et si on ne peut pas les annoncer, les événements ne pourront plus avoir lieu. Pour moi, tout est dans la nuance.» Si la Municipalité devra désormais se pencher sur le sujet pour répondre à la motion, une prochaine votation cantonale changera peut-être la donne quant à la liberté des communes à émettre certaines lois. En effet, le Grand conseil se prononcera prochainement sur une révision de la loi sur les procédés de réclame. Pour l’instant, la liberté visuelle des Crissirois est donc en suspens.

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