La bascule de Windows 10 à Windows 11 va coûter un million à Lausanne

Rédigé par
Charaf Abdessemed
Lausanne

NUMÉRIQUE - Alors que l’immense majorité du parc informatique de la Ville de Lausanne tourne sur le système d’exploitation Windows 10, Microsoft impose un très onéreux passage à Windows 11. L’État de Vaud quant à lui limite la casse. 

Pas un jour ne passe sans que notre dépendance aux grands géants du numérique soit de plus en plus patente, montrant chaque fois un peu plus s’il en était besoin, à quel point les citoyens européens et suisses sont à la merci des Apple, Microsoft, Dropbox, Facebook et consorts. 
Le dernier exemple en date est particulièrement éloquent. Dès cette semaine en effet, Microsoft a décidé de cesser les mises à jour de sécurité des PC fonctionnant sur Windows 10, pourtant encore très nombreux. 
Pour les usagers, deux options possibles: ceux dont les ordinateurs sont récents pourront migrer vers Windows 11, le nouveau système d’exploitation propulsé par Microsoft dont la mise à jour, quoique gratuite implique une bonne heure de travail. Ceux dont les ordinateurs sont anciens, datant d’avant 2021, sont quant à eux censés conserver Windows 10, moyennant de nouvelles mises à jour de sécurité, désormais rendues payantes par Microsoft, faute de quoi leur PC deviendrait particulièrement vulnérable aux attaques numériques. 
Tollé
Devant le tollé provoqué par cet oukase, le géant américain a décidé sous la pression, de rétropédaler à la dernière minute et de donner à des centaines de millions de personnes dans le monde, la possibilité de continuer à colmater gratuitement les brèches de sécurité durant une année supplémentaire.
Seulement voilà: ce sursis supplémentaire n’est offert qu’aux particuliers et les professionnels en sont exclus. Pour ces derniers, il faudra donc bel et bien casquer pour mettre à jour leur parc informatique, ou alors acheter purement et simplement de nouvelles machines, quitte à mettre au rebut des ordinateurs pourtant parfaitement fonctionnels. 
La Ville de Lausanne est dans ce cas. Son parc informatique compte actuellement 6300 ordinateurs, dont l’immense majorité, soit 6000 PC, tourne encore sur Windows 10, une centaine seulement ayant été pour l’heure migrée sur Windows 11. Et ce passage vers le dernier système d’exploitation de Microsoft va lui coûter un saladier. 
1100 ordinateurs obsolètes
D’abord, 1100 ordinateurs ne pourront pas être maintenus en service et devront être changés pour un montant d’environ… 700’000 francs. Et la facture ne s’arrête pas là. Pour «être dans les temps», et pour nombre de PC restants, la Ville doit également procéder, soit à un achat de licences de support pour un montant d’environ 220’000 francs, soit à une augmentation de mémoire des ordinateurs, devisée à plus de 120’000 francs. 
Au total, pour assurer la bascule de Windows 10 à Windows 11, la Ville n’a donc pas d’autre choix que de débourser plus d’un million de francs, alors que son parc informatique reste tout à fait fonctionnel.  «Ce passage imposé à Windows 11 va à l’encontre des principes d’allocation efficiente des deniers publics, de sobriété et de responsabilité climatique», s’insurge la municipale en charge de l’informatique Natacha Litzistorf, qui se dit «indignée et en colère». Elle poursuit: «Nous subissons bel et bien un racket organisé en toute impunité. Mais plus que tout, cette manière de faire foule au pied la souveraineté numérique des pouvoirs publics, floue et contraint les individus et rétrécit encore un peu plus l’espace de liberté, et donc la démocratie.»
Pourtant, d’autres administrations publiques ont fait en sorte de limiter la casse et les conséquences de ce «racket». L’État de Vaud par exemple a fait preuve d’anticipation et la bascule ne lui coûtera «que» 8000 francs d’ici la fin 2025. 
«La Direction générale du numérique et des systèmes d'information (DGNSI) avait anticipé cette migration en procédant à un rollout (déploiement progressif de nouveaux produits ou logiciels, ndlr) qui a duré deux ans, explique Fabian Muhieddine, délégué à la communication du Département de l’agriculture, de la durabilité et du climat et du numérique. Une partie des ordinateurs étaient déjà en fin de vie et il s’agit d’un remplacement naturel».
Situation maîtrisée
Résultat de cette anticipation: au niveau du Canton, seuls 700 postes de travail tournent sur Windows 10, sur un total de 15’600. «À la fin de la migration, il restera environ 200 ordinateurs qui ne seront pas compatibles Windows 11 à cause de quelques applications spécifiques qui ne sont pas encore compatibles explique encore Fabian Muhieddine. Le support supplémentaire Microsoft sera acheté pour les postes restants qui n’auront pas été migrés à mi-octobre».
Même situation du côté du Département de la formation qui gère les ordinateurs mis à la disposition des élèves. Si pour l’enseignement obligatoire, la question ne se pose pas - il s’agit de machines «Apple» -, la situation est également maîtrisée pour ce qui relève de l’enseignement post-obligatoire, pour lequel 5000 ordinateurs tournent sous Windows.Sur ces derniers, moins de 100  ne sont pas éligibles à une mise à jour vers Windows 11 et ce grâce à une politique de renouvellement standard du parc informatique. 
Leur remplacement dans le cadre de leur cycle de vie usuel n’engendrera  donc aucun coût supplémentaire.  


Que vont devenir les PC mis au rebut?

Selon toute vraisemblance, les ordinateurs mis au rebut en raison du passage à Windows 11 devraient connaître une nouvelle vie, là où les impératifs de sécurité sont bien moins stricts. L’État de Vaud a ainsi remis les ordinateurs encore fonctionnels à la fondation Caritas, «pour une réutilisation dans le tissu social». Quant à la Ville, elle prévoit de les reconditionner via le programme RESTART, un atelier lausannois de reconditionnement de parc informatique qui récupère le matériel, le nettoie et le reconfigure avant de le distribuer via des partenaires institutionnels suisses et étrangers. Pour les postes très anciens, un recyclage via l’association Swico sera mis en place .

En savoir plus