«Je souffre de ce que j’entends sur les toxicomanes de la Riponne»

Rédigé par
Charaf Abdessemed
Société

ROMAN • Agée de 25 ans, née à Morges, Charlie Caccini vit à Lausanne depuis trois ans. «Histoire de nous écrire» est son premier livre, qui à travers la fiction, des faits historiques, des courriers variés et des descriptions détaillées, raconte l’histoire de Lausanne, de ses habitants et de leurs maux.
Lausanne Cités:Les Lausannois souffrent-ils donc de maux si graves qu’il faille les raconter dans un roman?
Charlie Caccini: Bien sûr! Le but de ce roman, c’est de remettre sérieusement en question l’image idéalisée que la Suisse porte fièrement, de montrer qu’il y a de réelles précarités qui existent, qu’elles sont trop peu considérées et que les priorités des politiciens sont à revoir.

La Suisse d’accord, mais à Lausanne?
Je vis juste au-dessus de la Riponne et je souffre de ce que j’entends sur les toxicomanes alors que l’on ne connaît ni leur vécu, ni les raisons pour lesquelles ils sont là… Quand on prend le temps de les écouter vraiment, et je l’ai fait pendant deux ans, on apprend et on comprend que le monde est particulièrement violent avec eux et que les ressources de chacun d’entre nous sont inégales face à ce type de problème. Ce constat est d’ailleurs valable pour les dépressifs, les anxieux, les hypersensibles et tous ceux qui sont différents de la norme… Moi, j’adore les gens cabossés, ils sont entiers et reflètent tout ce qui ne va pas dans ce monde et dans cette Suisse où on nous fait croire que tout va bien.

Il y a les personnages, mais il y a aussi Lausanne qui en tant que ville, semble être un personnage à part entière du roman…
J’ai tenu à partager des éléments historiques lausannois pour sensibiliser les lecteurs à l’évolution effrayante des deux derniers siècles, notamment en termes d’urbanisme. Mais aussi, qu’on se rende compte que certains sujets de société qui sont discutés actuellement, par exemple l’écologie, le féminisme, le racisme ou l’utilisation des espaces publics, le sont en réalité depuis des décennies. Lire des écrits de la deuxième moitié du XXe siècle et constater qu’ils pourraient être identiques actuellement est terrifiant et démoralisant.

Vous avez volontairement choisi de vous auto-éditer, sans chercher une maison d’édition. Pourquoi? 
Pour être honnête, la première raison est uniquement liée à la confiance en soi. Le processus à entreprendre avec des maisons d’éditions étant long, et parfois contraignant, je craignais de perdre la confiance et l’envie de continuer mon projet, étant donné qu’il s’agit de mon premier roman. Et puis, il y a une autre raison tout aussi importante, qui est que l’autoédition me permet de garder la liberté de gérer mon livre comme je le veux, y compris dans ce que je fais pour le promouvoir via des images et des podcasts.

Justement, ce roman comprend une vraie originalité dans sa conception interactive, avec en complément des podcasts et même… un compte instagram dédié.
En faisant les recherches pour la partie historique du roman, j’ai trouvé dommage que des informations restent inutilisées. Publiées sur Instagram (et en partie sur le site internet), les 150 images que j’ai retenues permettent autant de visualiser les passages historiques du roman que de sensibiliser le public à l’évolution urbaine des deux derniers siècles. L’intention sous-jacente est de faire prendre conscience de la manière dont l’espace est occupé, à quel rythme et dans quels buts.

Et les podcasts?
Je les ai ajoutés parce que pour moi, se contenter de la fiction ne pouvait pas être suffisamment porteur, et qu’il était indispensable de compléter les problématiques abordées avec des personnes réelles qui donnent de la crédibilité à ce qui est abordé. Ces podcasts sont des ressources pour des lecteurs qui s’identifieraient aux personnages, mais également comme témoin, les interviewés étant en contact direct avec des personnes dont les situations s’avèrent similaires à celles mises en évidence dans la fiction du roman. Parce qu’au fond, «Histoire de nous écrire» est une invitation à réfléchir et à faire preuve d’empathie les uns envers les autres.

«Histoire de nous écrire»,  Charlie Caccini. www.histoiredenousecrire.com et instagram.com/histoirede.nous_ 

 

Une quête de soi et... des autres  

Un roman, 10 podcasts et plus de 150 images… Fiction subtile et empathique, «Histoire de nous écrire» raconte l’histoire d’Aurora, dont la vie intérieure ne manque pas d’agitation. Un remue-ménage qu’un jeune antiquaire amplifiera malgré lui, en embarquant la jeune femme dans une redécouverte de ses émotions, de ses sensations et de ses passions.  Dans ce roman, les habitants de la Riponne («Place du Comblement» dans le roman), sont représentés, entre autres, par les personnages d’Aurora, Aeryn, Simon, Colette et Luciano. 

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