MENDICITÉ • Alors qu’en 2021, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a rendu illégale en Suisse l’interdiction totale de la mendicité, le Grand Conseil planche sur un projet de loi pour pouvoir à nouveau la réglementer. Le point avec Pierre-Antoine Hildbrand, municipal lausannois en charge de la police.
Lausanne Cités:Quelles conséquences le jugement de la CEDH a-t-il eues sur le terrain, ici à Lausanne?
Pierre-Antoine Hildbrand: La population est excédée par les sollicitations des mendiants. Le fait d’être régulièrement abordé parfois de manière intrusive voire agressive inquiète à juste titre la population, en particulier les personnes âgées. Il ne faut pas sous-estimer la sensation de vulnérabilité lorsqu’il n’est pas possible de s’éloigner, lorsque l’on doit sortir son portemonnaie ou si l’on craint certaines réactions ou pire prendre un mauvais coup lorsque l’on refuse de donner. A la mendicité d’origine étrangère, s’est en plus ajoutée celle insistante des nouveaux consommateurs de drogues, perturbés et imprévisibles. La nécessité pour eux d’acheter de la drogue pour leur usage du crack les fait aborder les passants de façon vindicative, sans retenue ni vergogne. Le fait d’être malade n’excuse pas tout.
Le Grand Conseil vaudois doit très prochainement examiner un projet de loi qui règlementerait la mendicité dans l’ensemble du Canton. Quelles appréciations portez-vous sur ce projet?
Lors de la conception et de la rédaction du projet de loi, la situation d’addiction pressante n’était pas aussi aigüe. Elle justifie d’autant plus aujourd’hui un durcissement ainsi que des interdictions de périmètres. Le projet de loi, par exemple, prévoit uniquement une interdiction dans les files d’attentes du marché. Trop timide, cette mesure poserait des questions de délimitations et de distances. Nous demandons une interdiction dans l’ensemble des marchés qui aurait également une portée pratique et faciliterait le travail déjà très compliqué de la police. Sans cela, la loi sur la mendicité n’aura que peu d’impacts et la population ne verra pas la différence.
Quelles seraient les conséquences si le projet venait à être adopté dans sa version actuelle?
Les polices intercommunales ont besoin d’une loi claire et stricte, comme à Bâle, sans formalités administratives supplémentaires. Avec Jean-Marc Chevallaz, conseiller municipal à Pully et président de la Police Est Lausannois, nous avons écrit à tous les membres du Grand Conseil pour soutenir les propositions de la députée Florence Bettschart-Narbel (PLR, ndlr) et élargir les cas où la mendicité est interdite ou réglementée. Il n’y a pas d’obstacles légaux car le système bâlois a été validé par le Tribunal fédéral. Il faut que la population et la police sachent clairement quand et où la mendicité peut être sanctionnée. C’est maintenant au pouvoir législatif et aux groupes politiques de prendre leurs responsabilités dans ce dossier.
Dans le cas où des périmètres précis d’interdiction de la mendicité viendraient à être adoptés, la police lausannoise aurait-elle les moyens de faire appliquer la loi?
Si la loi telle que nous le souhaitons est adoptée, la police lausannoise pourra agir, avec effets concrets pour faire cesser ces comportements, et les dénoncer. A voir ensuite comment la justice s’appliquera et à quelle vitesse. J’ajoute que l’interdiction de la mendicité doit aussi être élargie aux lieux où les passants, les habitants et les touristes ne peuvent pas se soustraire facilement aux demandes et se voient confisquer l’usage commun et tranquille de l’espace public.