
CONJONCTURE • Avec une hausse de près de 41% du nombre de chômeurs en seulement deux ans, Lausanne traverse une période délicate sur le plan de l’emploi. Pour inverser cette tendance, la Ville mise sur le développement des sciences de la vie. Le municipal en charge de l’économie, Pierre-Antoine Hildbrand, détaille les mesures en cours et les défis à surmonter.
Lausanne Cités: En seulement deux ans, le nombre de chômeurs a augmenté de 40,9% à Lausanne, il est passé de 3176 à 4477, êtes-vous inquiet?
Pierre-Antoine Hildbrand: Oui, évidemment, dès qu’il y a une augmentation du nombre de chômeurs, c’est une inquiétude, à la fois pour eux et leurs proches, et comme indice de l’état de l’économie lausannoise. Il faut cependant relativiser cette hausse car nous avons connu par le passé, en 2010 pour être exact, un pic du taux de chômage à 8,1% alors qu’il se situe actuellement à 5,9%.
Certes, mais à Berne, le taux de chômage est de 2,4%. Il se situe à 3% à Zurich, à 4,4% à Bâle et à 5% à Genève, la capitale vaudoise fait donc clairement office de moins bonne élève…
Je vous l’accorde, cela ne va pas d’être la grande ville suisse avec le taux de chômage le plus élevé. Pour cette comparaison, les chiffres lausannois se montent alors à 5,4% (hors bénéficiaires RI inscrit à l’ORP).
Comment l’expliquez-vous?
Lausanne n’a pas atteint une taille critique dans un secteur économique spécifique. Zurich et Genève ont la finance, Berne l’administration fédérale et Bâle la pharma, c’est ce qui nous manque. Proportionnellement et par rapport aux autres grandes villes, la population lausannoise compte plus de personnes sans formation post-obligatoire et moins de personnes avec un diplôme tertiaire (HES, Uni, EPF).
Quelles sont les mesures prises par la Ville pour y remédier?
Notre principal atout réside aujourd’hui dans le développement des sciences de la vie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: 70% des levées de fonds réalisées dans le canton et 20% au niveau national dans ce secteur sont directement liées au Biopôle. Cela confirme que nous avons enfin trouvé un véritable moteur de croissance, que nous devons absolument renforcer. Actuellement, le Biopôle représente 170 entreprises, 24 groupes de recherches et 2500 emplois. Cette année marque une étape majeure avec l’arrivée duSwiss Data Science Center.
En quoi sera-t-elle créatrice de nouveaux emplois sur le territoire lausannois?
Cette arrivée du Swiss Data Science Center est comparable à la fédéralisation de l’EPFL en 1969. Il s’agit d’une initiative conjointe de cette dernière, de l’EPFZ et de l’Institut Paul Scherrer, soutenue par le Canton et le Biopôle. Son implantation à Lausanne aura un impact direct et positif: les PME pourront en bénéficier, des chercheurs de renommée internationale viendront s’y installer, et notre positionnement dans le domaine des sciences de la vie s’en trouvera considérablement renforcé. C’est une excellente nouvelle pour l’avenir de notre région.
Vous allez surtout accroître la communauté d’expatriés à Lausanne, on parle bien de cela, non?
Il y en aura, certes, mais il s’agit en grande majorité d’anciens étudiants de l’EPFL qui choisissent de rester ou de revenir travailler ici. Et il est important de rappeler que ces emplois sont qualifiés et bien rémunérés. Cela signifie des personnes qui s’installent, vivent, et consomment à Lausanne, donc un impact positif direct pour l’économie locale, notamment pour nos commerces et nos services.
Voilà pour la théorie. Mais dans les faits, les chiffres lausannois restent préoccupants. Si l’on additionne les chômeurs et les demandeurs d’emploi, ce sont 9,2% des habitants qui rencontrent des difficultés. Avez-vous réellement une marge de manœuvre pour inverser cette tendance?
Elle est relativement restreinte. Les conditions-cadres du ressort de la Ville sont les horaires des magasins, la fiscalité locale, la restauration, d’affectation du sol comme les projets Rasude et Biopôle Sud. Sans oublier Beaulieu que l’on souhaite axer sur le sport, l’alimentation et la santé afin de compléter le puzzle de cet écosystème autour des sciences de la vie.
Ainsi que le tourisme...
Oui et nous essayons de promouvoir Lausanne en tant que«destination weekend», il y a une importante marge de progression.
Pour cela, il faudra changer son image. Elle est encore trop souvent perçue comme une ville de toxicomanes et d’assistés...
Cette question concerne l’ensemble de la Municipalité. Ma mission est de développer de bons emplois pour la classe moyenne afin que celle-ci puisse y vivre et y consommer. La difficulté est qu’une partie de cette classe moyenne trouve son bonheur immobilier en dehors de Lausanne donc on perd une partie de celle-ci qui n’est pas remplacée par des personnes qui ont les mêmes revenus. Il y a une forte volonté politique de construire des logements subventionnés à Lausanne, mais le problème c’est qu’en faisant ainsi, on y concentre une population à faibles revenus ou devant être aidée.
Sans parler de la fiscalité qui fait fuir de nombreux contribuables aisés...
Evidemment, ce n’est pas acceptable que le taux d’imposition soit de 10 points plus élevé à Lausanne que la moyenne cantonale et que même Renens soit moins chère, par exemple. D’autant que le niveau élevé de la fiscalité vaudoise accentue ce problème.