Enfance: comment les services sociaux ont aggravé leur situation!

Rédigé par
Laurent Grabet
Vaud

TÉMOIGNAGES • Un père, une mère et un «ex-enfant» évoquent à chaud ou avec le recul des années en quoi l’intervention des services sociaux aurait aggravé la situation dans leur cas. 

Les prises de parole de deux assistantes sociales démissionnaires de la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ), dénonçant les «dysfonctionnements» de cette institution, publiées le 23 avril dans nos colonnes, ont fait du bruit. Notre journal a reçu de nombreux messages, émanant pour la plupart de pères, mais aussi de mères. Ces écrits corroborent certains constats des «repenties» ou saluent leur volonté de «briser l’omerta pour remettre l’intérêt de l’enfant au centre». La délégation syndicale du personnel de la DGEJ estime en revanche que leurs propos «ne reflètent ni la réalité du terrain, ni l’engagement quotidien des équipes». Trois autres personnes, ayant eu à faire aux services sociaux vaudois, nous disent leur vérité.
Une mère, Alexandra, 36 ans
Alexandra explique s’être conditionnée à être parfaite et reste aujourd’hui prisonnière de ce piège. «Cela a commencé suite à la menace de placer mes enfants que m’avait proférée l’assistance sociale de la DGEJ qui avait la charge de mon dossier. C’est un classique, comme je l’appris par la suite. J’ai eu cinq assistantes différentes en cinq ans! Ironie de l’histoire, lorsque quelques années auparavant, j’avais signalé que le père de mes deux aînés dysfonctionnait gravement avec eux suite à notre séparation, rien ne s’était passé, mais quand c’est le directeur de l’école des enfants qui l’a fait, la machine s’est activée.» La Vaudoise demande alors à ce que ses fils bénéficient d’un éducateur à domicile lorsqu’ils vont chez leur père. «Cette demande a été refusée mais retournée contre moi et j’ai été soumise à une curatelle d’aide éducative.» La mère au foyer reproche aussi à la DGEJ d’avoir imposé à son aîné un traitement médicamenteux lourd deux années durant, sur la base d’un diagnostic médical erroné. La Vaudoise a finalement réussi à se «libérer de l’emprise des services sociaux» grâce à un nouvel avocat plus combatif. Elle a aujourd’hui quitté le Canton de Vaud. 
Un ex-enfant, Jonathan, 43 ans
«La DGEJ ne servait pas l’intérêt de l’enfant que j’étais et mes discussions avec des amis divorcés me donnent l’impression que rien n’a changé» Certains voisins pensaient qu’il finirait héroïnomane. Jonathan est un père et un mari aimant et un agent apprécié au sein de la police fédérale. Jusqu’à ses 13 ans pourtant, sa mère le battait quotidiennement. Dès le divorce de ses parents en 1986, le SPJ (ndlr: ancien nom de la DGEJ), entre dans sa vie. «Jamais je n’y ai eu la parole or toute autorité se doit de respecter ce droit d’être entendu! Mon enfance a été volée. Les services sociaux n’ont rien voulu voir. Plusieurs proches leur ont dénoncé la situation, mais ma mère a toujours conservé ma garde. Un jour, l’assistante sociale qui venait nous visiter m’a même sermonné: “mais tu te rends compte de tout ce que ta maman fait pour toi?’’ Je ne lui répondais rien. J’avais peur et étais écœuré.» Le quadra déplore que son père bucheron toujours resté présent pour lui, a dû se contenter d’un droit de visite de deux week-ends par mois. «Ma mère a déménagé 17 fois en 15 ans. Son instabilité aurait dû mettre la puce à l’oreille des fonctionnaires censés me protéger... Mais elle excellait à se victimiser et à raconter des bobards et ça passait.» A 13 ans, Jonathan l’a empoignée. Les violences physiques ont cessé et les psychologiques se sont intensifiées. Ladolescent a pu se construire grâce à un pasteur, un professeur et un maître d’apprentissage: «Un jour, l’un d’eux m’a dit en me fixant dans les yeux: “Je mets de grands espoirs en toi. Tu iras loin!’’. Ça a été un tournant», se souvient-il ému. De son enfance, Jonathan garde «une colère et un dégoût de l’injustice».
Un père, Alex*, 39 ans
Alex* n’a plus vu sa fille de 6 ans depuis trois mois. «Mon ex qui en a la garde, a décidé unilatéralement de ne plus honorer mon droit de visite hebdomadaire suite à une critique de ma part aux autorités sur sa manière de gérer notre petite.» Depuis, cet informaticien lausannois séparé en 2020, est rongé par le stress et la colère. «Cela influence mon travail, mon sommeil et mon alimentation». C’est à l’occasion de cette séparation très conflictuelle que la juge en charge avait demandé un rapport de la DGEJ sur la situation. Pour Alex, ce fut «l’entrée dans un système pervers, dysfonctionnel et pseudo féministe où rien de ce que fait le père ne trouve grâce aux yeux d’assistantes sociales incompétentes et partiales!» Et le trentenaire de s’indigner: «En 2022, mon ex a prétendu que je lui faisais du chantage au suicide et cela a été mis sans vérification au dossier alors que je l’ai toujours contesté. Cet élément mensonger continue d’être utilisé pour appuyer telle ou telle décision injuste et destructrice!» En 2023, une onéreuse expertise pédopsychiatrique, à ses frais, vient  finalement rétablir l’équilibre au bénéfice d’Alex. «Malgré cela et les rapports favorables d’Espace Contact, ce lieu où je voyais ma fille sous la supervision d’un tiers, le juge a donné la garde à madame et ne m’a décerné qu’une grosse pension alimentaire et un droit de visite hebdomadaire désormais bafoué», peste Alex. 

*prénom d’emprunt 

Une association de parents demande la tête de Manon Schick

Le Mouvement, Parents, Enfants, Jeunesse (MPEJ) a écrit au Grand Conseil puis convoqué la presse pour demander la démission de Manon Schick, actuelle numéro 1 de la DGEJ. «Ses cinq années à la tête de la DGEJ ont démontré qu’elle n’avait ni les épaules ni même la formation pour espérer réussir à réformer cette institution. L’impact de la DGEJ sur les enfants et leurs parents est souvent terrible d’autant que Justice de paix et tribunaux ont la fâcheuse tendance à suivre leurs rapports sans recul», assène Julien Dura, président du MPEJ. Quant à la DGEJ, elle précise dans une réponse détaillée, agir «en toute impartialité et placer l’intérêt supérieur de l’enfant au centre de ses actions». L’institution précise ne pas avoir à «commenter des accusations personnelles à l’encontre de sa directrice», laquelle, comme ses collaborateurs, «bénéficie de l’entière confiance » du Département de l’enfance et de la jeunesse. 

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