Dioxine: «La Municipalité de Lausanne doit agir pour rassurer la population»

Rédigé par
Fabio Bonavita
Lausanne

EXCLUSIF • Suite au reportage de Temps Présent sur la contamination par la dioxine à Lausanne, la cheffe du groupe vert’libéral, Virginie Cavalli, dépose une interpellation urgente au Conseil communal. L’élue appelle la Ville à plus de transparence et attend des réponses claires sur l’assainissement des sols, tout en dénonçant les lacunes de l’étude réalisée par Unisanté.

Lausanne Cités: Quel a été votre sentiment en découvrant le reportage réalisé par Temps Présent?
Virginie Cavalli: J’ai eu l’impression que les habitants de cette zone contaminée étaient abandonnés. Est-ce un hasard s’il s’agit de quartiers populaires? Je ne sais pas, mais je me questionne. Jusqu’ici, j’avais confiance dans les autorités cantonales et la Municipalité pour faire toute la lumière sur la pollution aux dioxines. Or, le reportage montre que deux experts internationaux pointent des failles majeures dans l’étude commandée par le Canton de Vaud: exclusion des enfants et des personnes malades et une absence de comparaison avec un groupe témoin non exposé. Ces erreurs méthodologiques jettent un sérieux doute sur la fiabilité des conclusions officielles. La Ville et le Canton ont voulu aller trop vite en concluant qu’il n’y avait pas de risques pour la population, alors que les enfants sont les premiers exposés dans les parcs et les jardins.

Vous avez mené votre propre enquête en parlant notamment avec l’un des toxicologues du reportage, avec quels résultats?
J’ai obtenu une vision beaucoup plus précise. Le «circulez, il n’y a rien à voir» officiel ne tient pas. Le fait que l’on envisage de dépenser cent millions de francs pour assainir les sols prouve qu’un risque existe. Ce manque de transparence donne l’impression qu’on cherche à dissimuler des informations.

On peut vouloir assainir des sols qui sont pollués sans que cette pollution ne soit dangereuse pour la santé, non? 
Théoriquement, oui… mais empêcher un enfant de jouer ou d’ingérer de la terre est pratiquement impossible. Dans d’autres pays, comme la France, l’Italie ou la Belgique, des pollutions similaires ont entraîné une hausse de l’infertilité chez les garçons et du diabète. On nous dit que tout va bien, mais on engage des millions pour dépolluer. Si le danger est réel, les Lausannois, en particulier les plus vulnérables, doivent être protégés. S’il ne l’est pas, qu’on le démontre. Ce flou n’est plus acceptable.

Vous avez aussi parlé avec des riverains de la zone contaminée. Que vous ont-ils dit?
Ils se sentent ignorés et pensent que l’exposition prolongée aux dioxines est liée aux développements de certains cancers  en raison d’une exposition prolongée dans le quartier, comme des lymphomes.

Que reprochez-vous à la Municipalité dans cette affaire?
Elle n’a pas réagi après le reportage de Temps Présent, par exemple en sollicitant une contre-expertise. Elle préfère faire l’autruche. Une Municipalité se revendiquant écologiste de gauche devrait être sensible à ces questions et faire preuve d’une totale transparence. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’elle a peur de reconnaître le risque pour la santé.

Quels types de mesures préventives devraient, selon vous, être immédiatement mises en place  afin de protéger la population, en particulier les enfants et les familles?
Mettre des panneaux ne suffit pas. La Ville doit organiser des séances d’information publique et envoyer des agents dans les parcs pour sensibiliser les familles, afin que les enfants ne soient pas en contact avec la terre contaminée.

Cette pollution à la dioxine est-elle un scandale d’Etat?
Potentiellement, oui.

Dans votre interpellation, vous remettez également en cause l’usine Tridel, entrée en fonction en 2006 juste après la fermeture de celle duVallon, pourquoi?
Je me demande pourquoi, après la fermeture de l’usine du Vallon, on a installé Tridel à une centaine de mètres, en plein centre-ville. Aucune analyse sur l’impact de l’exploitation de Tridel sur le long terme pour la santé des riverains n’a encore été menée. Certes, ses filtres sont modernes, mais la combustion de déchets produit toujours de la dioxine. La question se pose donc: quelles mesures de contrôle sont en place? Ces filtres suffisent-ils à éviter une nouvelle pollution dans 15 ou 20 ans? Personne ne peut le garantir. Là aussi, la Ville doit agir et commander des investigations détaillées pour rassurer la population.

Vous avez déposé cette interpellation urgente au nom de votre parti, les Verts libéraux. Peut-on envisager la constitution d’une coalition transpartisane, rassemblant différents partis autour d’un objectif commun, afin de faire toute la lumière sur cette affaire?
Oui, je vais contacter tous les partis, sauf ceux du camp rose-vert qui, en période préélectorale, sont certainement réticents à relancer ce dossier, alors qu’il est de notre devoir d’élu d’agir.

Votre démarche vise donc à maintenir la pression tout en remettant ce sujet sur le devant de la scène?
Oui, et nous verrons si les riverains souhaitent engager des actions en justice. 

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