CULTURE • La chorégraphe pulliérane Sara Buncic a monté un projet culturel et inclusif en proposant des ateliers de danse ainsi que la création d’un spectacle à des personnes aveugles et malvoyantes. Une expérience enrichissante qui se réitérera dès septembre.
Un spectacle de danse se vit avec tous les sens. Mais comment réussir à le percevoir lorsqu’il vous manque le plus sollicité de tous, la vue? Et comment se déplacer et se mouvoir avec d’autres? La chorégraphe Sara Buncic a voulu relever ce double défi. Le projet de la compagnie de danse Elidé a proposé, de mars à mai 2024, des ateliers de danse contemporaine et de création chorégraphique aux personnes aveugles et malvoyantes. Deuxième pan du projet: créer un spectacle de danse avec elles mais qui soit également accessible à toute personne déficiente visuellement. Sa particularité: la représentation s’est déroulée dans le noir afin que tout le monde soit placé au même niveau», commente Sara Buncic.
Faire ressentir la danse
«Mon grand-père est devenu aveugle en raison d’un glaucome, poursuit-elle. Je l’ai vu devoir tout réapprendre, comme une chorégraphie… Après l’un de mes spectacles, il m’a dit qu’il l’avait trouvé très beau, même sans l’avoir vu. Il l’avait ressenti.» C’est cette expérience qui a inspiré le projet de la Tessinoise d’origine. Alors comment fait-on pour faire «voir» un spectacle de danse à des personnes aveugles? La fondatrice de la compagnie Elidé a dû trouver des astuces, à l’aide des six participants aux ateliers qui se sont déroulés au Théâtre Sévelin 36. «Nous avons beaucoup utilisé le son, explique-t-elle. En amplifiant les mouvements et les déplacements, et les changements de rythme dans la respiration. Mais aussi en choisissant des costumes dont la matière émet du bruit lors des mouvements, et en utilisant le toucher, par exemple en frappant des parties du corps.»
Le handicap? Pas un frein
Graham Lawrence, 73 ans, a participé à tous les ateliers, ainsi qu’aux répétitions et au spectacle qui s’est tenu le 2 juin à la Maison de Quartier de Chailly. Il souffre depuis trois ans d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge qui provoque progressivement la perte de la vision centrale. «Avec le handicap, nous faisons différemment mais ce n’est pas un frein à la créativité, au contraire».
Reconnaissant, il qualifie l’approche de Sara d’authentique: «En tant qu’handicapé, on vous laisse souvent les miettes. Ici, nous étions ensemble pour faire, et pas pour que l’on nous apprenne à faire. Ce n’était pas une participation au rabais.» En plus de la quinzaine d’ateliers, les deux participants au spectacle ont en effet répété durant cinq semaines, à raison de quatre à cinq heures par jour. Ils ont d’ailleurs été rémunérés «car c’était un vrai travail», commente la fondatrice de la compagnie Elidé.
Prochains ateliers prévus
Cette première expérience a pu voir le jour notamment grâce au soutien de la Ville de Lausanne dans le cadre de son appel à projets «Participation culturelle». Tout le monde en est sorti si enrichi que Sara Buncic ne compte pas s’arrêter là, même si la suite se fera aux frais de sa compagnie. De nouveaux ateliers sont prévus entre septembre et décembre et un spectacle est d’ores et déjà prévu le 30 octobre au Cube, à Morges.