Un salon pour donner une chance au migrants

Rédigé par
Elise Dottrens
Lausanne

INTÉGRATION • A l’Université de Lausanne, le 17 septembre dernier, a eu lieu le premier salon de l’intégration dédié aux personnes issues de la migration. Une façon pour beaucoup d’entre eux de s’ouvrir un maximum de portes, alors qu’ils peinent à trouver du travail. 

Malgré son master en linguistique ukrainienne et anglaise, il aura fallu plus de deux ans à Iryna Platon pour trouver un travail, à son arrivée en Suisse. Et c’est uniquement grâce à ses contacts entre réfugiés qu’elle a pu décrocher son poste actuel, comme communicante au sein de l’association Ukraine Reborn, basée à Genève. 
Si trouver un travail en tant que citoyen suisse est déjà un parcours du combattant, avec un statut de réfugié, cela peut relever de l’impossible. 
Sur un marché du travail saturé, les délais pour se voir offrir une place de travail se comptent en années, et le résultat est souvent loin de l’expérience initiale dans son pays. «J’ai commencé par des stages non rémunérés et du bénévolat», raconte Iryna. «Et puis j’ai fait énormément de cours de français, comme ceux proposés par l’EVAM, par exemple.» 
Un premier salon de l’emploi
D’autres institutions que l’EVAM soutiennent les réfugiés dans leur processus d’intégration. C’est le cas également de l’association Together, fondée à Morges en 2022, suite à l’arrivée massive de migrants ukrainiens. Parmi ses actions, l’association a soutenu une équipe de l’université de Lausanne dans l’organisation d’un salon de l’emploi spécialement conçu pour les réfugiés. «La communauté migrante, celle que nous connaissons en tout cas, est extrêmement qualifiée», explique Olena Iarmosh, chercheuse à la faculté HEC de l’Unil. «Mais elle fait face à de nombreuses difficultés pour trouver un emploi. Avec l’université de Lausanne, nous avons d’abord organisé des tables rondes, et des rencontres avec certains décideurs clés dans le monde de la migration, puis l’idée du salon a germé dans nos têtes. Avec l’association Together, nous avons été rejoints par la Chambre Vaudoise du Commerce et de l’Industrie pour l’organisation du salon.» 
Ce premier salon de l’emploi pour migrants et réfugiés a eu lieu le 17 septembre dernier. Ils ont été un peu plus qu’un millier de migrants et de réfugiés à arpenter les couloirs du bâtiment Internef pour l’occasion. Des Ukrainiens, mais aussi des Afghans, des Sud-américains, des Sénégalais ont répondu présent. Certains sont venus en famille, d’autre accompagnés par l’EVAM. À travers les différentes activités proposées, les participants pouvaient se faire coacher pour leur curriculum vitae, se faire photographier par un professionnel, s’essayer à des entretiens d’embauche factice. Et à l’étage supérieur, une vingtaine d’entreprises et organisations tenaient des stands pour se présenter, réseauter, et, pourquoi pas, embaucher. C’est le cas de Max Fuller, de Batmaid. «En une demi-journée, nous avons déjà reçu une centaine de CV, nous sommes un peu débordés. Mais pour eux, c’est primordial. Le fait de rencontrer les personnes en face à face, c’est un avantage.» Son stand, entouré de celui de Holy Cow et de CSD Engineers, ne désemplit pas.
De la solitude à l’engagement
Pour Iryna, arrivée en Suisse en mai 2022 à 24 ans, avec sa sœur jumelle Kateryna, les conséquences du délai pour trouver un poste ont été financières, mais pas seulement.
«Je me sentais perdue. C’était vraiment compliqué. Parfois, j’avais beaucoup de motivation et d’espoir, et d’autres fois, je me sentais très isolée. Aujourd’hui, je ne peux pas dire que je suis intégrée mais j’essaie. Je participe à des clubs de langue, j’échange avec d’autres migrants. Et mon état émotionnel dépend beaucoup des nouvelles d’Ukraine.» Ses deux parents sont restés au pays, dans la région d’Odessa. 
Si la guerre devait s’arrêter, elle pense par ailleurs y retourner. Pas une raison pour se sentir inutile en attendant. «C’est une bonne expérience, d’essayer de s’intégrer dans un autre pays. J’ai été très reconnaissante à l’EVAM, qui a pu me financer certaines prestations pour que je puisse prendre des stages non rémunérés. Aujourd’hui, je me sens connectée émotionnellement à la Suisse, et je fais au mieux pour me sentir utile au pays. Je travaille, je paie mes impôts. Quand la guerre s’arrêtera, partir ne serait pas une décision facile, mais d’un autre côté, je pense que mon pays aura besoin de moi.» 
Une bonne expérience qui laissera néanmoins des traces. «Je ne suis pas tout à fait à ma place ici, mais je n’ai plus non plus complètement ma place en Ukraine.»

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