VOTATION • Le 22 septembre prochain, les citoyens suisses se prononceront sur la réforme de la prévoyance professionnelle (réforme LPP) qui a fait l’objet d’un référendum. Les deux élus lausannois, la PLR Anouck Saugy et le socialiste Benoît Gaillard, confrontent leurs arguments.
POUR • Anouck Saugy est conseillère communale PLR à Lausanne et présidente des femmes PLR VD.
Lausanne Cités: Les caisses de pension sont en bonne santé financière. Une réforme de la LPP est-elle vraiment indispensable?
Anouck Saugy:Les caisses de pension de droit privé ont, en général, une situation financière convenable, mais un grand nombre de caisses de pension de droit public, particulièrement les romandes, sont dans une situation financière défavorable. Et même si la situation financière de toutes les caisses de pension était favorable, la réforme de la LPP reste indispensable car elle corrige certains problèmes fondamentaux de la LPP actuelle.
La réforme va diminuer les rentes, ce que le peuple a toujours refusé. Est-ce souhaitable à l’heure où la précarité de retraités est une réalité?
Oui, le taux de conversion va diminuer, mais il est incorrect de dire que les rentes vont diminuer en conséquence. En abaissant la déduction de coordination, c’est une part plus importante du salaire qui sera assurée par la LPP. A titre d’exemple, 6% d’un capital de retraite de 500’000.- est toujours plus important que 6.8% d’un capital de 400’000 francs.
Pour les opposants, les femmes ne seront pas vraiment favorisées par cette réforme parce que 90% des caisses de pension ont déjà des solutions pour les temps partiels…
Aujourd’hui, les travailleurs à temps partiel et les personnes ayant des bas salaires sont les moins bien assurés en termes de LPP. La réalité, c’est qu’une majorité de ces travailleurs sont des femmes, quoi qu’en disent les statistiques, et ces lacunes ne sont pas dignes d’un pays comme le nôtre.
Cette réforme entraîne des coûts plus élevés pour les entreprises...
Il faut voir cette charge supplémentaire comme une mesure nécessaire pour garantir la viabilité à long terme de notre système de prévoyance, ce qui est essentiel pour les employés, mais aussi pour la stabilité économique de notre pays dans son ensemble. Enfin, les personnes de plus de 45 ans coûteront un peu moins aux entreprises!
Des organisations économiques appellent à rejeter la révision du 2e pilier. Comment l’expliquez-vous?
La réforme proposée n’est pas parfaite, mais nécessaire. Elle s’inscrit dans le cadre des trois piliers de la prévoyance, dont la structure est un atout majeur de notre pays. L’accepter, ce n’est pas seulement protéger le deuxième pilier, mais c’est voter en faveur d’un modèle suisse de sécurité sociale renforcé et modernisé.
Les erreurs de projection de l’OFAS sur l’AVS ne créent-elles pas un doute sur cette réforme?
Ces erreurs tombent mal. En revanche, il est important que la population réalise que l’AVS et la LPP sont deux piliers distincts et que nous ne parlons pas de la même chose! Le 22 septembre, c’est la LPP que nous révisons, uniquement.
CONTRE • Benoît Gaillard est responsable communication de l’Union syndicale suisse qui a lancé le référendum contre la réforme de la LPP.
Lausanne Cités: La baisse du taux de conversion va diminuer les rentes. En même temps, l’augmentation de l’espérance de vie ne la rend-elle pas nécessaire?
Benoît Gaillard: La baisse des rentes prévue est importante: 12% de retraite en moins pour le même avoir soumis à la LPP. Pour les travailleurs des classes moyennes qui n’ont que la couverture obligatoire, c’est dramatique. Or les effets de la démographie ne le justifient pas: les caisses de pension ont déjà fait des réserves pour cela. Et les craintes de mauvais rendements, qui étaient la raison principale pour cette baisse, ne se sont pas matérialisées.
La réforme de la LPP va diminuer le revenu plancher de cotisation pour les salariés. N’est-ce pas une bonne chose pour les femmes et les bas salaires, puisqu’on estime qu’environ 70’000 personnes actives seraient nouvellement assurées?
Le problème, c’est à quel prix? En fait, les personnes concernées vont d’abord payer, parfois beaucoup. Ça fait parfois jusqu’à 2 ou 3% de salaire net en moins. Et tout cela en grande partie juste pour compenser la baisse du taux de conversion. On inclut davantage de monde dans le 2e pilier, mais en même temps on détériore les prestations! C’est une mauvaise affaire pour les classes moyennes.
Une part plus importante du salaire sera assurée, la déduction de coordination étant remaniée (désormais 20% du salaire AVS). N’est-ce pas une bonne chose pour le salarié et là également en particulier pour les femmes?
Encore une fois: dans l’immédiat, ça veut dire payer plus. Y compris pour les employeurs, ce qui mettra certaines branches avec des salaires modestes sous pression, comme les restaurateurs, qui sont contre la réforme. Payer beaucoup pour une amélioration de rente minime, ça n’en vaut pas la peine.
Avec cette réforme, assurés et employeurs cotiseront plus pour la LPP. Pourquoi la gauche ne soutient-elle pas pour la LPP ce qu’elle proposait pour le financement de la 13e rente AVS?
Grâce au financement solidaire de l’AVS, 90% reçoivent plus qu’ils ne cotisent. Ainsi, avec 0.4% de cotisation, on finance une 13e rente, parce que les très hauts revenus participent. Avec la réforme de la LPP, certains employés, et employeurs, devront payer 2 ou 3% de plus sur le salaire, pour une toute petite hausse de rente, ou pas de hausse du tout. Le rapport prix/prestations ne joue pas!
En cas d’échec de la réforme devant le peuple, le statu quo est-il possible?
Pour les caisses de pension, le statu quo est possible. Par contre, il faut une meilleure solution pour améliorer vite les retraites des femmes et introduire l’indexation des rentes du 2e pilier. De plus, il faut mettre des limites aux bénéfices privés des grandes assurances sur le dos de la LPP. Voilà les problèmes urgents à résoudre, plutôt que de baisser le taux de conversion.
Un objet complexe à l'impact incertain
En raison des faibles rendements sur les marchés financiers et de l’augmentation de l’espérance de vie, le financement des rentes par le 2 e pilier n’est actuellement plus suffisant dans la partie obligatoire de la prévoyance professionnelle. Raison pour laquelle le Conseil fédéral a mis en place un projet de réforme qui prévoit une baisse du taux de conversion de 6,8% à 6% pour la part obligatoire du capital de retraite, qui se traduira mécaniquement par une baisse des rentes pour un même montant épargné. En contrepartie, des mesures comme la baisse du montant de la déduction de coordination à 20% du salaire maximal AVS permettra aux personnes à bas salaire d’épargner davantage. En outre, les taux de cotisation par tranches d’âge seront modifiés, les travailleurs de plus de 45 ans revenant moins cher à leur employeur. Problème: une large part d’incertitude persiste quant aux effets de la réforme, de nombreux paramètres, parcours professionnel, caisse de pension, âge au moment de l’entrée en vigueur de la réforme, entrant en ligne de compte.