«On reconvertit des stades depuis la nuit des temps»

Lausanne

URBANISME • Alors que les autorités s’interrogent sur le devenir de la Pontaise, Valentine de Giuli architecte, formée à l’EPFL et auteure d’une recherche intitulée «Habiter le stade, hier, aujourd’hui et demain» revient sur les enjeux de la reconversion des stades.

Lausanne Cités:La reconversion de grands édifices ne date pas d’aujourd’hui. Elle remonterait même à des temps immémoriaux…
Valentine de Giuli:En effet, c’est ce que j’avais constaté en faisant mes recherches: durant de nombreuses périodes de l’histoire de l’humanité, que ce soit dans l’Antiquité romaine ou pendant le Moyen Age, des constructions qui n’étaient plus indispensables ont été réaffectées à des fins d’habitation. Aujourd’hui, quand on visite des villes, on ne se rend pas compte que les rues ou les places dans lesquelles on déambule étaient souvent des amphithéâtres romains… Cela permet de prendre conscience que de grands édifices peuvent être à l’origine d’éléments urbains très intéressants…

Pourquoi choisissait-on de procéder à des reconversions?
Pour deux raisons principales: l’augmentation de la population et la densification des villes, comme on a pu le voir durant le Moyen Age, mais il y avait aussi l’idée que l’on devait réutiliser au maximum les éléments dont on disposait…

Pourquoi aujourd’hui, les stades représentent-ils des lieux symboliques?
Nous vivons dans des sociétés où les religions ont été mises de côté. Le sport en tant que phénomène de masse réunit et rassemble, de surcroît des personnes souvent très différentes. Les stades incarnent donc aujourd’hui l’image des villes et déplacent les masses comme le faisaient les cathédrales par exemple…

Pourquoi les stades sont-ils particulièrement concernés par les thématiques de reconversion?
En raison de la place importante qu’ils occupent dans l’espace urbain. Beaucoup ont été construits pour des grands événements comme les Jeux olympiques, la Coupe du monde ou divers championnats. Une fois ceux-ci passés, on ne leur a trouvé que peu ou pas d’utilité. Mais la question se pose également pour des stades moins imposants, qui accueillent des activités ordinaires tout en restant vides dans 90% des cas. C’est le grand problème de ces structures qu’on a surnommées «éléphants blancs», une expression utilisée pour désigner les réalisations coûteuses à entretenir et d’utilité discutable.

Reconvertir un stade est-il vraiment plus intéressant que le détruire? 
Aujourd’hui on réfléchit en termes de développement durable et on prend conscience qu’il faut utiliser le mieux possible le bâti existant: cela économise du temps, de la matière et des forces de travail. Il se trouve que les stades sont souvent des structures très solides qui sont conçues pour être très pérennes et qui peuvent durer très longtemps. Les détruire s’apparente donc à une aberration écologique alors que les exemples du Moyen Age ou de l’Antiquité montrent qu’on peut les réutiliser et se réapproprier les espaces pour de nouvelles fonctions.

De quels paramètres doit-on tenir compte lorsqu’on envisage la reconversion d’un stade?
Les paramètres sont multiples car on peut aussi bien réutiliser la structure pour y intégrer des logements que l’espace central pour y bâtir des éléments, ou encore les gradins. Au-delà des questions techniques, l’enjeu est de parvenir à un ensemble qui sera viable et utilisable par les occupants, avec une vraie urbanité tout en maintenant l’empreinte de l’édifice. C’est complexe car il faut redonner aux lieux une âme qui correspond à la fonction qu’on souhaite leur affecter.

Reconvertir un stade qui, comme celui de la Pontaise, a 70 ans a-t-il du sens?
Si la structure est toujours en bon état, il n’y a pas de raison de ne pas le faire.  Si en revanche, elle est en mauvais état, la destruction peut être envisagée, mais la question du recyclage et de la réutilisation des matériaux obtenus se posera…

Ne sera-t-il pas plus coûteux de reconvertir la Pontaise que de la détruire? 
Je ne dispose pas d’éléments pour la Pontaise, mais d’une manière générale, on admet que la rénovation et la réhabilitation ont un coût plus élevé qu’une simple destruction. En revanche, si on prend en compte la dimension de conservation du patrimoine et la symbolique pour la population, les questions de coûts sont relativisées. La Pontaise revêt une grande importance pour la population. En faire tabula rasa, ce serait choisir une option qui effacerait le passé. L’idéal, quand c’est possible, c’est toujours de réutiliser les éléments existants, en conférant une nouvelle fonction à l’ensemble. 

La Pontaise, un avenir en suspens

Mais que pourra-t-on bien faire de la Pontaise? Depuis longtemps en sursis, le stade historique de Lausanne semblait voué à la démolition, la célèbre arène étant remplacée par le stade de la Tuilière. Une hérésie pour de nombreux opposants, arguant que la Pontaise fait partie du patrimoine architectural de Lausanne, d’autant qu’un surclassement par le service des Monuments historiques est en cours d’étude. Longtemps favorable à sa destruction, la Ville semble désormais explorer de nouvelles options, ouvrant la voie à une éventuelle reconversion. Selon le syndic Grégoire Junod dans des propos recueillis par nos collègues de 24 heures, la Pontaise dispose d’un vrai «potentiel pour un bâtiment singulier» qui pourrait représenter «une opportunité pour Lausanne».

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