
RAS-LE-BOL • Dealers, toxicomanes, nuisances, rixes… A la rue de Genève et dans le quartier de Sébeillon, malgré les efforts des autorités, le quotidien des habitants ne cesse de se détériorer. Au point que certains menacent de se défendre eux-mêmes.
A la rue de Genève, la situation va de mal en pis. Il y a déjà une année et demie, Lausanne Cités avait à grand renfort témoignages, relaté l’invraisemblable situation qui y prévalait: des dealers omniprésents, des toxicomanes qui se piquent au su et au vu de tout le monde, des hurlements incessants au cœur de la nuit, des vols dans les boîtes aux lettres et des services de propreté urbaine largement dépassés par l’ampleur de la saleté ambiante.
Dix-huit mois plus tard, la situation ne s’est pas du tout améliorée, bien au contraire, elle a empiré. «Franchement, c’est l’horreur, observe, désabusé, un riverain… Les mêmes nuisances perdurent, mais avec encore plus d’ampleur, tous les soirs on entend des bagarres, des éclats de voix, les vols dans les boîtes aux lettres continuent, et chaque jour on croise des toxicomanes dans un état lamentable, certains dorment même dans les espaces communs des immeubles. Au point que des habitants n’osent plus descendre seuls dans les buanderies!».
Situation catastrophique
«C’est vrai la situation est catastrophique, il n’y a pas un jour où je ne trouve pas du sang ou des seringues par terre, et on vit tous avec un vrai sentiment d’insécurité, ajoute une voisine. L’épicentre du problème est toujours ce fameux immeuble du 85, repaire de clandestins et de dealers attirés par les facilités de location qui y sont offertes. On dit même qu’une simple boîte aux lettres s’y loue pour 300 francs par mois». «Il y a une nouvelle communauté qui est arrivée dans cet immeuble, renchérit un autre voisin, membre du Collectif des habitants et commerçants du quartier de la rue de Genève et Sébeillon. Ce sont des Nord-Africains et ils sont encore plus agressifs que les Nigérians qui pourtant n’étaient déjà pas des tendres…»
«La Municipalité est au courant des différentes nuisances actuelles et elle met tout en œuvre pour les diminuer, confirme Pierre-Antoine Hildbrand, le municipal en charge de la police. En outre, par le biais de ses services, elle est en contact avec le collectif de riverains qui constate une péjoration depuis plusieurs mois.»
En dix-huit mois pourtant, la Ville n’est pas restée inactive et de très nombreuses mesures ont été prises, comme le relèvent d’ailleurs volontiers les habitants du quartier. En juin dernier, la Ville de Lausanne a pris des dispositions d’aménagement et de propreté, et des bancs ont été retirés pour limiter les conflits d’usage et les nuisances. Le nettoyage du secteur et de l’ascenseur de Sébeillon a été renforcé, des interdictions de périmètres ont été prononcées et la police est intervenue à d’innombrables reprises. En outre, en parallèle de la présence policière, l’équipe sociale de rue du Service de l’inclusion et des actions sociales de proximité a effectué des passages réguliers dans le secteur pour aller à la rencontre des personnes consommatrices de produits stupéfiants et les orienter dans le dispositif «addictions» de la Ville.
Enfin, en septembre dernier, l’Observatoire de la sécurité et des discriminations, une instance émanant de la Ville, a organisé une visite sur les lieux, avec des habitants du quartier ainsi que des représentants du corps de police et des services communaux.
Action renforcée
Face à la détérioration actuelle, la Municipalité a décidé de renforcer toutes ces mesures, en déployant, dans le quartier et en plus de la police, des agents de sécurité afin de rassurer la population et de prévenir les incivilités, même si du point de vue de l’aménagement public et du logement, sa marge de manœuvre reste limitée, une vaste surface du quartier appartenant aux CFF et à d’autres propriétaires.
D’ores et déjà, un dialogue est néanmoins engagé avec les propriétaires d’immeubles pour améliorer la situation, soit purement et simplement par des résiliations, mais aussi pour limiter les accès aux différents lieux via la mise en place de digicodes ou de clés.
«On ne peut pas attendre la mise en service du tram et la fin des travaux, explique le municipal Pierre-Antoine Hildbrand. C’est pourquoi il a été décidé d’une présence préventive des forces de sécurité et une répression stricte, dans la durée, pour que la situation s’améliore enfin.»
Dans l’intervalle, et alors que de nombreux habitants quittent le quartier, d’autres s’organisent d’ores et déjà pour mener des rondes destinées à pacifier les lieux et traquer les incivilités. «Certains parlent déjà de se regrouper, d’acheter des bombes au poivre, des battes de baseball, et de se défendre eux-mêmes, souffle un habitant. Si rien n’est fait, le quartier pourrait sombrer dans une confrontation directe entre riverains et dealers.»