Tubes du passé: connaissiez-vous le véritable point commun 
entre le ketchup et le flamenco?

Rédigé par
Thomas Lécuyer
Culture & Loisirs

SÉQUENCE NOSTALGIE - En 2002, trois sœurs andalouses ont transformé une blague musicale en tube planétaire. Derrière leur nom saucier, Las Ketchup, une référence inattendue au flamenco, à la sauce brava… et à un père surnommé «El Tomate». Voici comment «Aserejé» est devenu l’un des plus gros ovnis musicaux de l’été.
Vous êtes plutôt ketchup ou mayo avec vos frites? À moins que votre petit cœur ne craque pour la sauce cocktail, ou, plus risqué, l’exotique relevé de la sauce samouraï?
En Espagne, en tous cas, les fameuses patatas bravas qui font la fierté de tous les bars à tapas ne se mangent aucunement avec ces sauces à tout faire. Non, en Espagne, la sauce qu’il faut, c’est la sauce brava: tomates fraîchement pressées, huile d’olive, ail, vinaigre, un peu de chardonnay, sel, poivre noir, piment de cayenne, le tout émulsionné jusqu’à obtention d’une consistance crémeuse, douce et relevée. Aïe aïe. Que c’est bon. En tous cas avec les patates (point ch, évidemment).
Paroles absurdes et rap
Parce qu’au rayon tube de l’été, la sauce espagnole qui a vraiment conquis le monde entier, c’est celle de Las Ketchup, avec leur «Aserejé», qui, il faut bien le dire, a bien la patate et donne la frite dès qu’on l’écoute.
Sorti en juin 2002, le premier titre de ce trio de sœurs espagnoles a envahi les dancefloors du monde entier et s’est classé n° 1 dans quasiment tous les pays, à l’exception des États-Unis et de la Croatie,  avec sept millions de disques vendus. Il faut dire que dans le genre grand n’importe quoi,  «Aserejé» est un véritable ovni musical. 
Mais avant d’aller plus loin, pourquoi ce nom, «Las Ketchup»? Les sœurs Lucia, Lola et Pilar Muñoz ont choisi cette sauce en clin d’œil à leur père, Juan Muñoz, guitariste de flamenco réputé sous le sobriquet d’«El Tomate». Voilà voilà. Mélange de pop latine, de rap et de paroles absurdes, son refrain, soutenu par une chorégraphie hyper facile à retenir, est inspiré du fameux «Rapper’s Delight» du Sugarhill Gang, évidemment mal prononcé, du genre avec une patate dans la bouche. Croyez-le ou non, la chanson narre en effet les aventures de Diego, un soir en boîte, tout joyeux d’entendre son tube fétiche, «Rapper’s Delight» de Sugarhill Gang. Un peu éméché et pas très à l’aise avec l’anglais, il se met à en fredonner ma-ladroitement les premiers mots: c’est le refrain de la chanson. Après l’explosion du succès d’«Aserejé» et de leur premier album, «Rocío», la quatrième sœur, rejoint Las Ketchup. Ce changement intervient juste avant leur participation à l’Eurovision 2006, où elles essuient un cuisant revers: avec «Bloody Mary», elles n’atteignent que la 21eᵉ place. 
Toujours des tomates
Au terme de cette déconvenue, le groupe choisira de se séparer, restant à jamais connu pour un seul tube , après avoir pressé le filon de la tomate jusqu’à sa dernière goutte (oui, parce que vous l’aurez compris, «Bloody Mary» parle aussi de tomates.)
Mais revenons à «Aserejé», qui, au passage, est un mot qui n’existe pas dans le dictionnaire espagnol. Le clip, kitsch et coloré, renforce l’aspect parodique de cette chanson qui évoque plus le détournement que l’œuvre sérieuse. Si le public l’adore, les critiques parlent eux de «plaisir coupable», en rougissant comme des tomates. Phénomène aussi éphémère que foudroyant, «Aserejé» reste aujourd’hui un symbole des tubes estivaux improbables, comme d’autres, venus par exemple de Roumanie, et dont nous parlerons plus tard. 
 

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