
ÉDITION • Un quartier sans attrait, une zone de consommation et de transit. C’est pourtant là qu’Antoine Jaccoud et Guillaume Perret ont exploré l’inattendu. De cette immersion est né «Au K2!», un livre où l’écrivain dresse le portrait du photographe à travers ce décor contraint, transformant l’ordinaire en matière artistique.
Un McDo, une Migros, une jonction autoroutière. Ce quartier de Crissier n’évoque en rien un lieu propice à la flânerie ou à la contemplation. Pourtant, c’est précisément là qu’Antoine Jaccoud et Guillaume Perret ont choisi de poser leur regard, arpentant ces lieux familiers mais souvent ignorés.
De cette exploration est né «Au K2!», un livre dans lequel Antoine Jaccoud dresse le portrait de Guillaume Perret, sous la contrainte d’un territoire délimité. L’idée vient du photographe lui-même, inspiré d’une expérience passée.
Trafic et consommation
«Quand il était plus jeune, il avait un groupe de rock, explique Antoine Jaccoud, ancien journaliste, dramaturge, scénariste, écrivain. Ils voulaient passer l’été dans un endroit où ils pouvaient se bourrer la gueule, faire de la musique, faire les cons quoi. Alors ils ont pris une carte de la France, ils ont posé le doigt sur le carré “K2”.»
Finalement, chaque carte a son K2, et celui du grand Lausanne, c’est une zone d’ultra-consommation et de trafic obstrué à outrance. C’est là qu’ils ont planté le décor de leur œuvre, comme deux alpinistes qui cherchent leur limite dans l’altitude, mais cette fois entre l’autoroute et la zone industrielle. «Comme on était coincés dans cet espace, on est devenus hyper vigilants, comme des touristes. On cherchait quelque chose, mais quoi?»
L’humain comme finalité
Ce qu’ils ont découvert au fil de leurs déambulations, c’est un quartier façonné par la consommation et le passage incessant des voitures, mais dénué de véritable vie résidentielle. Pourtant, en s’y immergeant avec un regard attentif, Antoine Jaccoud et Guillaume Perret ont appris à y percevoir des fragments d’humanité insoupçonnés. «On m’a appris à toujours prendre les petites rues. Alors on est allés voir à l’arrière des choses, à l’arrière du Sex Shop par exemple. Tu vois les employés du sex-shop qui fument une clope, et tu te demandes ce qu’ils ont fait avant, juste après. Ça donne de la matière à écrire. Il y a toujours quelque chose à voir.»
Mais le but ultime est humain. Dans cette contrainte territoriale, Antoine Jaccoud écrit sur son compagnon de route. «On est venus tous les jours, et pendant cinq jours, on parlait, des fois on disait rien, on allait boire des cafés, et on marchait.» Cinq jours de partage pour sortir la cinquantaine de pages du portrait de Guillaume Perret, publié aux éditions Art et fiction, à Lausanne. Histoire d’apprendre à regarder l’invisible.