
INTELLIGENCE ARTIFICIELLE • La start-up lausannoise Virtuosis permet de poser un diagnostic précis sur la santé mentale d’une personne.Et ce, uniquement en l’écoutant quelques minutes.
Rythme? 50%. Bonheur? 88%. Clarté? 85%. Ces différents chiffres, joliment alignés parmi d’autres dans plusieurs graphiques colorés, constituent le diagnostic de santé mentale et de communication d’un employé en pleine conversation. Mais ce n’est pas avec son médecin qu’il converse. En effet, ces résultats proviennent de l’application Virtuosis. Après seulement trois minutes d’écoute, l’intelligence artificielle, qui est au cœur de cette start-up lausannoise, a analysé tous les marqueurs vocaux de l’orateur afin de poser son jugement.
Aux côtés des plus grands
Virtuosis, c’est le «bébé» de Lara Gervaise et Edoardo Guidice. «J’ai toujours eu l’ambition de créer une start-up, raconte la cofondatrice franco-marocaine, qui a placé sa jeune pousse parmi les plus grands, comme par exemple lors d’une réception au Palais de l’Elysée en 2024. «Et j’ai commencé à m’intéresser au pouvoir prédictif de l’IA, avant même qu’il y ait la hype.» Ancienne sportive d’élite, Lara Gervaise a décidé de mettre ses études au service de la santé. Née en 2021 du noyau d’innovation de l’EPFL, Virtuosis a décollé jusqu’à obtenir le statut de Start-Up de l’année 2023 par Microsoft Switzerland. Microsoft qui est par ailleurs un partenaire de la jeune pousse depuis avril 2023.
Le logiciel a ainsi intégré la technologie de Virtuosis à sa plateforme de visioconférence Microsoft Teams. «C’est un collègue entrepreneur qui en a parlé à ses contacts de Microsoft, et ils ont été très intéressés. Une semaine après, nous rencontrions le leadership de Microsoft en Suisse. Ils nous ont demandé si notre technologie était intégrable à Microsoft Teams en trois mois! Finalement, ça nous a pris un an, mais on a réussi!»
Parkinson et les mauvaises habitudes de communication
«Le burn out, on ne le voit souvent pas venir, on se ment à soi-même, explique Lara Gervaise. Et si une IA nous indique des signaux de stress, d’anxiété et de fatigue, qui sont des signaux avant-coureurs, on pourra compter sur des données pour se rendre compte que quelque chose se passe.»
Concrètement, ce sont les marqueurs vocaux de la conversation qui vont attirer l’attention de l’intelligence artificielle de Virtuosis. Des petits mots comme «ben», «écoute», ou «alors» qui ponctuent un discours et qui peuvent nous en apprendre davantage sur la personne qui les prononce. Un outil qui pourra également assister les professionnels de la santé dans la pose de diagnostics. D’ailleurs, des maladies telles que Parkinson pourraient, grâce à l’application, être découvertes bien plus tôt. Développée à l’aide de psychiatres et psychologues, Virtuosis ne s’intéresse cependant pas qu’à la santé mentale. Au terme de l’analyse, des conseils pour améliorer sa communication, comme son rythme de parole ou sa clarté, sont dispensés par la plateforme. «C’était un outil qui m’était cher. Je voulais avoir un feedback objectif sur ma communication et sur comment l’améliorer, ajoute l’entrepreneuse. C’est un bon complément à utiliser tous les jours.»
Ce test vocal remplacera-t-il bientôt les médecins? «Non, ce n’est pas notre vocation, corrige-t-elle. Nous nous positionnons comme un outil de dépistage. Si les médecins ont un outil supplémentaire pour poser un diagnostic, ils pourront se concentrer sur le soin et la guérison du patient.» Si Lara Gervaise n’y pense pas, elle espère qu’enclencher son micro, plus simple et plus rapide qu’une prise de sang, deviendra bientôt un réflexe dans le monde professionnel et médical.