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A qui profitent les exportations d’armes suisses?

Rédigé par
Vincent Simon
Société

EXPORTATIONS - A la fin des années 60, l’affaire « Bührle », entreprise qui avait exporté des canons au Nigéria alors en pleine guerre civile fit scandale. Au fil du temps, les exportations d'armes ont fait l’objet de législations restrictives. Le Parlement veut aujourd’hui desserrer l’étreinte. 

La question des exportations d’armes est un sujet sensible. Elle l’est par rapport à la neutralité de la Suisse : les exportations à destination de pays en proie à un conflit interne ou de pays participant à un conflit international sont interdites. Mais la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine change la donne. Il n’est toutefois pas question d’envoyer des armes suisses en Ukraine. La problématique est un peu différente : en effet, plusieurs pays européens ont décidé de fournir des armes à Kyiv. Mais si ces armes ou munitions sont suisses, notre pays refuse la réexportation. Ce fut ainsi le cas lorsque l’Allemagne envisageait de fournir à l’Ukraine des munitions et le Danemark des chars Piranha. La Suisse s’y était opposée. 

En réaction, les pays concernés ont menacé de ne plus acheter d’armes en Suisse. Une telle décision serait extrêmement délicate pour l’industrie suisse de l’armement et aussi, indirectement, pour la capacité de défense de notre pays. Les fabricants suisses dépendent de manière cruciale de la possibilité d’exporter leurs produits, car le seul marché intérieur suisse est trop petit. Pour sa propre sécurité, notre pays a besoin de maintenir une base industrielle et technologique. On ne se défendra pas avec les hallebardes dont nos musées regorgent. C’est donc à la Suisse que profitent indirectement les exportations d’armes, pour autant qu’elles ne prennent pas la direction de dictatures. 

Le Conseil des Etats a donc décidé d’ouvrir plus largement la porte aux exportations. A ses yeux, elles doivent être autorisées sans autre lorsqu’elles sont destinées à 25 pays, dont 17 européens, appartenant majoritairement à l’OTAN. 

Une minorité de gauche a exprimé ses craintes : le « prochain scandale impliquant des armes suisses est annoncé »  ou « les Etats-Unis pourraient utiliser des armes suisses s’ils décidaient d’envahir le Groenland », a-t-on entendu. A cela une majorité a préféré les arguments de la droite, selon lesquels l’usage d’une arme est toujours de la responsabilité de celui qui en fait usage. Si l’on veut aller au bout du raisonnement, il faudrait interdire totalement toute exportation d’armes, ce qui aurait bien entendu de lourdes conséquences pour les entreprises et leurs employés, mais aussi pour la capacité de défense suisse. 

Le Conseil national examinera à son tour ce projet, sans doute cet automne. Quoiqu’il en soit, cela n’ira pas de soi, car une alliance pourrait bien se former entre les thuriféraires d’une neutralité pure et dure et les partis de gauche qui ne veulent pas que des armes suisses puissent être utilisées dans un conflit. Il y aura aussi certainement votation, car ceux qui refusent même le droit de la Suisse d’avoir une armée, à savoir le GssA – Groupe pour une Suisse sans armée – ont promis de lancer le référendum.  

 

Vincent Simon
Responsable de projets

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