INNOVATION • Les toits lausannois pourraient bien évoluer dans les années à venir grâce aux recherches du professeur Michael Grätzel à l’EPFL. Le chercheur travaille au développement d’une technologie photovoltaïque plus performante et durable.
Avez-vous déjà remarqué la particularité de la façade du centre de congrès à l’EPFL? Depuis une dizaine d’années, des panneaux vitrés recouvrent toute une partie du bâtiment et c’est un véritable spectacle de couleurs qui prend place. Esthétique, oui mais pas que. L’installation est équipée de cellules solaires pas comme les autres, les «cellules de Grätzel».
Ces dernières produisent de l’électricité grâce à la présence de pigments sensibles à la lumière. Derrière cette invention se tient Michael Grätzel, un chimiste visionnaire qui dirige également le Laboratoire de photonique et d’interfaces de l’EPFL. Loin de se contenter de ce succès, il est aujourd’hui sur la piste d’une innovation qui pourrait à nouveau transformer l’industrie du photovoltaïque.
Les limites du silicium
Dans les panneaux solaires classiques, on retrouve du silicium, un matériau performant, certes, mais qui a ses limites. Comme il n’absorbe qu’une petite partie du spectre lumineux, le minéral doit être extrêmement pur et présent en couches épaisses. En conséquence, les panneaux solaires sont lourds et leur production, coûteuse en énergie.
On notera aussi que leur fabrication dépend en grande partie des combustibles fossibles, comme la majorité des panneaux solaires viennent d’usine en Chine. Il serait donc temps de modifier la façon de les produire pour arrêter de libérer des gigatonnes de CO2 dans l’atmosphère chaque année. C’est là que l’équipe de l’EPFL change la donne. Elle s’est penchée sur les alternatives possibles au silicium et a vu le potentiel d’un minéral appelé pérovskite. Son nom est surprenant, mais ses propriétés tout sauf ordinaires.
Sous le microscope de l’EPFL
La pérovskite est présente dans la couche terrestre, absorbe efficacement la lumière et transporte efficacement les charges électriques. Un candidat parfait pour le photovoltaïque. Seul problème: elle perd en efficacité lorsque les températures sont élevées et que l’environnement est humide. A l’EPFL, le groupe de recherche s’est donc fixé pour but de fabriquer des cellules solaires en pérovskite à la fois performantes et résistantes aux conditions difficiles. Et les résultats sont là.
Le professeur Grätzel explique: «Nous avons surmonté les défis des cellules à pérovskite grâce à des tests rigoureux, à l’optimisation des matériaux et à des stratégies de conception innovantes.» Leur dernière innovation en date, en partenariat avec l’Université Northwestern aux Etats-Unis, est celle des cellules en pérovskite dites «inversées». «Nos cellules solaires ont démontré une excellente stabilité sur de longues périodes et atteignent aujourd’hui une efficacité de conversion de 25,3 %» déclare à ce sujet le professeur.
Une technologie durable
Un rendement qui les place bientôt en concurrence avec les cellules en silicium. Les avancées réalisées par les chercheurs pourraient donc rendre possible la fabrication de panneaux solaires plus légers, nécessitant moins de matériaux et surtout, plus durables. Si tout se passe comme prévu, la commercialisation à grande échelle pourrait commencer dès 2026.
Le professeur Grätzel ajoute: «La pérovskite pourrait également trouver des applications dans les LED, les photodétecteurs, et même les dispositifs médicaux. »
Toutefois, avant de voir la technologie à pérovskite sur les bâtiments emblématiques de Lausanne, il faudra encore améliorer son coût de production. Mais une chose est certaine, les progrès réalisés ici, dans la région, sont enthousiasmants. Et qui sait? Dans quelques années, nos toits pourraient bien devenir de véritables centrales électriques, discrètes mais puissantes, tout en respectant l’environnement.