A la rue de la Grotte, les commerçants se sentent abandonnés

Rédigé par
Joëlle Tille
Lausanne

CHANTIERS • Depuis le mois d’août 2024, d’importants travaux liés à l’extension du chauffage à distance étouffent les rues du Midi, Beau-Séjour et de la Grotte. Sur cette dernière, le chantier a pris du retard et de nombreux commerçants déplorent le manque d’informations claires de la part de la Ville. 

«Nous nous sentons délaissés car nous ne savons pas quand ces travaux prendront fin», commence David Herel, conseiller en thé japonais et gérant du Marutcha, situé à la rue de la Grotte. Initialement, les travaux sur cette rue devaient se terminer en décembre 2024. Mais des imprévus, notamment la découverte de conduites non-répertoriées ou mal localisées, ont nécessité des adaptations techniques et des investigations supplémentaires retardant l’échéance de fin. Aujourd’hui, la devanture du Marutcha, tout comme celles du Qwertz ou de Alpha Coiffure, se trouvent encore encerclées de barrières rouges et blanches et de tranchées.
Sentiment d’abandon 
Ces chantiers, commencés en août 2024, doivent permettre d’étendre le réseau de chauffage à distance lausannois, mais également de rénover les infrastructures souterraines. L’année dernière, pour laisser place au chantier, Nicolas Giller, gérant du Qwertz, a dû faire retirer sa terrasse, à ses frais. Mais alors qu’il pensait pouvoir la réinstaller en janvier, il déchante et craint de ne pas pouvoir profiter du printemps, une période importante pour le service en terrasse. «J’ai la sensation d’être laissé dans le flou, sans pouvoir planifier quoi que ce soit.» Tout comme ses voisins, il comprend la nécessité de mener ces travaux ainsi que les contraintes qui peuvent survenir. «Ce qui m’embarrasse, c’est le manque de communication et d’informations claires et officielles de la part de la Ville. Nous sommes plusieurs à avoir l’impression que l’on ne se soucie pas de nous et de nos réalités.»
Des informations lacunaires 
De son côté, Xavier Company, municipal en charge des Services industriels (SIL) ne nie pas que son service souffre d’un déficit de communication qu’il tente petit à petit d’améliorer (lire encadré). 
Mais concernant l’absence de renseignements sur le retard des travaux de la rue de la Grotte, il tempère: «Lors d’une permanence d’information organisée en février 2025, nos collaborateurs en ont informé les commerçants présents.» Or, il semble que l’information soit distribuée à qui veut bien aller la chercher. David Herel par exemple, n’a pas pu se rendre à cette permanence organisée un samedi matin entre 10 et 12 heures, car il devait tenir sa boutique. Nicolas Giller réagit: «Nous devons aller nous-mêmes à la pêche aux informations. Si un courrier nous invite à une permanence d’information, pourquoi ne pas nous informer directement dans ce courrier de l’état actuel de la situation?» 
Peut-être parce que cet événement, organisé par le Service de la mobilité, portait officiellement sur le projet de végétalisation du quartier. Une étape planifiée après les rénovations des réseaux souterrains. Nicolas Giller, lui, s’est bien rendu à cette permanence d’information, où il a appris par un collaborateur des SiL que le chantier devant son bar serait susceptible de se terminer en avril. Mais ce n’était qu’après avoir été mis devant le fait accompli. Avant cet échange «on ne m’avait donné aucune nouvelle officielle. Est-ce qu’ils envisagent la possibilité que, peut-être, j’avais déjà engagé quelqu’un pour réinstaller ma terrasse en janvier?» Fin mot, ou pas, de l’histoire: selon les SiL, les travaux souterrains dans la zone située devant le Qwertz devraient être achevés d’ici la fin du mois de mai, «sauf nouvel imprévu».
L’écho est unanime parmi les commerçants de la rue de la Grotte interrogés; les informations limpides concernant l’avancée des travaux dans cette zone manquent à l’appel. A titre d’exemple, dans l’entrée de l’immeuble qui abrite le Marutcha et le Coffee Page, un courrier officiel apposé sur les boîtes aux lettres mentionne encore des travaux censés se terminer au mois de décembre dernier. Rien de plus récent n’y a fait son apparition.
Baisse de clientèle et incertitudes
L’impact de ce chantier sur la fréquentation de la clientèle se fait aussi sentir. «Beaucoup de nos clients sont des personnes âgées. Aujourd’hui, elles ne sont plus capables de venir; leurs accompagnants ne savent plus où les déposer, et les taxis craignent le quartier, se désole Yolanda Salomao, gérante de Alpha Coiffure. Chaque semaine nous réalisons qu’une personne n’est plus venue depuis longtemps», poursuit-elle. 
Un peu plus bas, à l’angle de la rue de la Grotte et de celle du Midi, Jean Kehlhofer remarque la baisse des commandes à l’emporter de son établissement, le Coffee Page. «Avec la fermeture des escaliers de la Grotte, les passants prennent de nouveaux itinéraires, alors qu’ils reliaient St-François à la gare en passant par là.» Lui qui voudrait pouvoir se défaire du service au bar afin de se consacrer aux autres tâches qui lui incombent, il ne s’y risque pas pour le moment. «Je ne sais pas si j’ose engager des employés. Je n’arrive juste pas à me projeter.»
Quant à la fin des travaux souterrains sur les rues du Midi et Beau-Séjour, elle est toujours agendée à décembre 2025, une échéance qui n’a pas bougé pour le moment. Mais l’aménagement complet de ces rues ne sera terminé qu’en 2027, après les étapes de végétalisation et de pose de pavés, que redoutent encore les commerçants. «Ce qui me réconforte, glisse Jean Kehlhofer, c’est que si j’arrive à tenir, j’ai bon espoir qu’il s’agira d’un chouette quartier qui sera une plus-value pour moi et pour les commerçants. Mais est-ce que l’on sera encore là quand ce sera fini?» 

 

Des lacunes en communication

Municipal en charge des SiL, Xavier Company ne nie pas que ses services présentent des lacunes en communication. «Avant, peu de chantiers impliquaient en priorité nos services, alors qu’aujourd’hui beaucoup de travaux sont dus à la transition énergétique. Cela nécessite des ajustements. Quand des travaux sont planifiés, nous nous devons d’approcher les commerçants impactés et de les tenir informés.» Dans ce but, un poste de médiateur de terrain vient d’être mis au concours par les SiL. Concernant l’imbroglio à la rue de la Grotte, il admet: «nous avons informé l’ensemble des commerçants au début des travaux, et avons eu quelques échanges concernant le prolongement des délais, mais peut-être pas avec tous. Nous essayons d’améliorer nos processus d’information. » A cette fin, le municipal indique que les associations de commerçants de l’ensemble du territoire lausannois ont été rencontrées en début d’année pour les informer des chantiers de l’année en cours.

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