A Ecublens, la production d’œufs atteint ses limites

Vaud

CONSOMMATION • Les annonces mondiales de pénuries d’œufs commencent à toucher la Suisse. En raison d’une consommation en hausse, le marché va devoir s’adapter. Reportage à Ecublens.

C’est le premier jour de printemps pour les poules de la ferme des Huttins à Ecublens. Et pour cause, elles étaient depuis mi-janvier en quarantaine. Grippe aviaire oblige. Alors qu’elles picorent gaiement l’herbe fraîche, les visiteurs du petit magasin de la ferme et du self-service d’œufs défilent. Ici, le circuit court est roi, et cela protège producteurs et consommateurs contre les aléas du commerce mondial. 
Parce que si elles peuvent désormais profiter d’un plus grand terrain et en plein air, les poules des Huttins ne vont pas chômer pour autant. D’ailleurs, à la veille de Pâques, ce sont les poules du monde entier qui ont fort à faire en ce moment. En cause: une pénurie d’œufs, partie au début de l’année des Etats-Unis. A la mi-mars, Migros communiquait sur des espaces vides visibles dans ses étalages d’œufs, expliquant qu’elle pourrait bien avoir recours à des exportations européennes. Une vague de panique pas encore arrivée jusqu’à Ecublens, même si, avec 800 œufs vendus par jour, le self est vide en fin de journée. «Nous avons 430 jeunes poules pondeuses, donc environ 420 œufs par jour, explique Mireille Ducret, agricultrice à la ferme des Huttins. C’est quand même conséquent. Et puis nous en achetons chez un collègue de Vaux-sur-Morges parce que notre seule production ne suffit pas.» 
Protéine bon marché
La raison principale de la flambée de la demande est à trouver à plusieurs endroits. La grippe aviaire, d’abord, qui force certains producteurs à supprimer des milliers de poules et donc à réduire leur offre. «En Suisse, on arrive à mieux gérer, ajoute Mireille Ducret. On a des plus petits élevages, jamais plus que 6000 poules, avec toujours un jardin d’hiver qui leur permet de sortir mais empêche l’intrusion des oiseaux migrateurs. Il y a une consommation plus importante depuis le Covid, qui est liée au fait que l’œuf est une protéine animale bon marché. Pour les personnes qui font attention à leur consommation de viande, c’est un produit avantageux.» Cette demande augmente certes plus lentement que dans le cas d’une crise économique. Mais la production s’y adapte, elle aussi, très lentement comme le note l’agricultrice. «Pour augmenter la production, il faut construire des poulaillers, ce qui prend, à la louche, deux ans.» En sortant sa calculette, Mireille Ducret continue: «Si les Suisses consomment 10 œufs de plus par personne et par an, ça fait 90 millions supplémentaires. Il faudrait construire 60 nouveaux poulaillers de 6000 poules. Ça va prendre deux ans, et est-ce que dans deux ans on sera dans cette même dynamique?»
Le danger d’une surproduction
C’est sans compter sur le risque que, une fois toutes ces nouvelles poules remplissant activement nos frigos, la demande redescende et crée un problème de surproduction. 
L’arrivée de Pâques a également une influence sur la demande, mais celle-ci, les producteurs peuvent s’y préparer. Chaque année, la demande fluctue selon les périodes: plus au printemps, moins en plein été. 
A l’échelle internationale, l’Europe pourrait, si sa consommation se stabilise, envoyer des œufs aux Etats-Unis. Reste à savoir avec quels droits de douane

En savoir plus