SANTÉ - Les Vaudois ont de plus en plus recours aux services d’urgence qui sont devenus la première porte d’entrée dans le système de soins. Au CHUV, où le nombre de patients pris en charge a augmenté de 40% en seulement 15 ans, on tente, tant bien que mal, de s’adapter.
«Au secours, les urgences débordent!» Dans un article au titre «volontairement accrocheur» publié dans la Revue médicale suisse en septembre dernier, le Dr Pierre-Nicolas Carron chef du service des urgences du CHUV, ne cache pas son inquiétude: «Le recours croissant aux urgences suscite des interrogations pour l’avenir de notre système de santé» s’interroge-t-il ainsi, non sans relever à quel point au cours des vingt dernières années, «les services d’urgences ont gagné en efficacité et en polyvalence».
Augmentation de 40%
Au CHUV, justement, qu’en est-il exactement? Entre 2009 et 2023, soit une bonne quinzaine d’années, le nombre d’adultes pris en charge par les urgences de l’hôpital universitaire est passé de 35 700 à 50 253, soit une augmentation considérable de 40%. «Cette augmentation s’est faite de manière assez régulière, de l’ordre de quelques pourcents par année en moyenne, explique le service de communication du CHUV. Quatre facteurs principaux l’expliquent: l’accroissement de la population lausannoise, le vieillissement de la population avec plus de problématiques de santé, la diminution de l’accès aux médecins généralistes ainsi que le recours plus fréquent aux services d’urgences en première intention». Un généraliste établi dans l’agglomération lausannoise et qui souhaite conserver l’anonymat y va de sa propre analyse:«La difficulté d’accès à un médecin généraliste, qui reste en théorie le premier recours de la population. Et la rareté de ces médecins s’explique quant à elle par une mauvaise planification de la formation médicale ainsi que par la faible attractivité de cette profession. C’est vraiment dommage, mais ce sont au final les urgences qui en paient le prix».
Surtout les soirs et les nuits
Résultat: un peu partout dans le Canton de Vaud, les urgences se retrouvent saturées, sur-sollicitées, suscitant souvent l’insatisfaction des usagers. Au CHUV, gigantesque établissement qui compte plus de 9000 employés pour 130 professions différentes, on fait face comme on peut: la dotation du service d’urgence a évolué à intervalles réguliers ces quinze dernières années, afin d’accompagner au mieux l’augmentation d’activité avec un renforcement les périodes des soirs et des nuits, l’activité étant particulièrement forte sur ces périodes.
Sans compter le classique tri des malades, généralisé partout en Suisse: un malade en (véritable) urgence sera tout de suite installé en box tandis que celui classé niveau 4 non urgent pourra attendre plus de 300 minutes pour être installé, l’installation en box ne signifiant du reste pas une prise en charge immédiate. Résultat: une durée moyenne d’attente qui au premier semestre 2024, oscillait entre 3-4 et 90 minutes. «Ces moyennes sont restées stables au cours des dix dernières années en particulier grâce à l’adaptation de nos capacités d’accueil et de prise en charge, l’adaptation de nos ressources, des processus et des surfaces pour faire face à l’augmentation de l’activité, observe le service de communication du CHUV. La problématique est largement sociétale. Elle touche d’ailleurs l’ensemble des services d’urgences de Suisse ou d’Europe, avec ces questions de vieillissement de la population ou d’accès à la médecine de premier recours et aux généralistes».
En matière d’attente, l’institution affirme avoir fait preuve de pédagogie et travaillé sur l’information des malades, en particulier sur l’explication des priorités établies, les prises en charge ne se faisant pas par ordre d’arrivée mais par niveau de gravité. Et de conclure: «Nous anticipons déjà la période hivernale et les années à venir, en réfléchissant à nos processus, en collaborant avec les services d’hospitalisation ou la radiologie par exemple, pour rester en capacité d’accueillir en tout temps les patients.»