FISCALITÉ - Médias et politique en France ont fait ces derniers mois la part belle à une proposition de l’économiste Gabriel Zucman. Celui-ci pense résoudre de nombreux problèmes, dont les inégalités de fortune et les problèmes budgétaires de son pays, en instituant une nouvelle taxe sur les patrimoines importants.
La simplicité de cette idée en fait une arme redoutable, puisqu’elle consisterait à prélever chaque année un impôt de 2% sur les fortunes supérieures à 100 millions d’euros. Le citoyen lambda comprend que le contribuable qui possède 120 millions de fortune en conservera 117,6, et il ne voit donc pas le problème. D’autres économistes renommés soutiennent l’idée, qui a d’ailleurs été acceptée par l’Assemblée nationale française dans un premier temps, refusée par le Sénat, puis finalement rejetée aussi par l’Assemblée.
Est-ce raisonnable?
On peut se demander s’il est bien raisonnable de vouloir ajouter une nouvelle couche dans un pays qui semble déjà posséder un mille-feuilles fiscal bien épais, et dont le système de redistribution est l’un des plus développé au monde ? C’est le résultat de plusieurs tendances, qu’on peut résumer ainsi: tout d’abord l’idée sous-jacente que la richesse a quelque chose de suspect ; ensuite, des analyses selon lesquelles les riches paieraient proportionnellement moins d’impôts que d’autres contribuables (ce n’est pas vrai, mais l’idée est largement répandue) ; puis une difficulté à comprendre que le patrimoine n’est pas forcément liquide ; et enfin, une croyance en l’impôt comme solution à tous les problèmes, surtout quand les dépenses de l’Etat ne sont plus maîtrisées.
En Suisse, le discours selon lequel les riches ne paieraient pas leur part et qu’ils détiendraient une part trop importante de la fortune est bien répandue aussi. Sur ce dernier point, on se rappellera que les statistiques portent sur la fortune imposable et qu’elles ne tiennent donc pas compte de ce qui est souvent la plus grande fortune des classes moyennes, à savoir leur 2e pilier.
La difficulté à comprendre qu’une fortune n’est pas forcément liquide est particulièrement frappante dans les débats sur l’initiative des Jeunes socialistes. Dans une entreprise familiale, la plus grande partie du capital est généralement investie dans l’entreprise elle-même, dans ses équipements et ses immeubles par exemple. S’il faut s’acquitter d’un impôt de successions de 50%, cela implique de vendre partiellement ou totalement la société, faute de liquidités suffisantes.
Système fiscal progressif
En Suisse, les contribuables aisés sont d’excellents pourvoyeurs de recettes fiscales, bien au-delà d’une simple proportion, puisque notre système fiscal est progressif. Et notre pays est un des rares à encore taxer la fortune. Dans le cas des entrepreneurs propriétaires de leur entreprise, la valeur fiscale de celle-ci s’ajoute à leur fortune. Si l’entreprise a du succès, et donc si sa valeur estimée s’accroît, s’acquitter de ses impôts peut alors coûter très cher au propriétaire. C’est pour cette raison notamment que certains cantons ont institué un bouclier fiscal. Sur Genève et Vaud, il limite au niveau cantonal et communal l’imposition des revenus et de la fortune à 60% du revenu imposable. Ajoutez à cela 11,5% d’impôt fédéral direct et la facture s’alourdit à 71,5%. Alors, c’est assez ou ce n'est pas encore suffisant ?