
JEUNESSE • Il y a quelques jours, une intervention pas comme les autres a eu lieu à Bussigny. Un groupe de motards est venu exprimer son soutien à une jeune fille victime de harcèlement. Leur nom: «LES TEMPLIERS - Post Tenebras Lux».
Ce n’est pas un spectacle que l’on voit tous les jours. Une dizaine de motards en veste de cuir, gros casques noirs et lunettes de soleil débarquent à Bussigny sur leurs bécanes imposantes et bruyantes. Intimidants, ils le sont, mais dans un but bien précis, et peut-être pas celui que vous imaginez.
A l’arrière d’une des motos se trouve Sarah*, jeune adolescente bussignolaise. Sarah se fait harceler. Coups, menaces, insultes font partie de son quotidien au sein de son collège. Alors «LES TEMPLIERS - Post Tenebras Lux» se sont organisés pour venir la soutenir.
Il s’agit d’une association de huitante membres dans toute la Suisse romande. Tous aiment les motos et ont le look du parfait motard, et tous se sont engagés dans une cause qui leur est chère: protéger les enfants contre les harcèlements, violences et abus. Pour Pierre-Olivier Christen, alias POC, cofondateur de l’association, c’était une évidence. «Les enfants c’est magnifique, ils sont innocents et ont le droit d’avoir une enfance pendant laquelle ils peuvent pleinement participer et s’épanouir.»
Inspiration américaine
Une telle initiative existe déjà outre-Atlantique. Depuis 1995, les BACA (bikers against child abuse, les motards contre les abus sur les enfants) existent aux Etats-Unis et soutiennent les enfants victimes de harcèlement. C’est d’abord en tant qu’antenne suisse des BACAs que les actions commencent dans notre région. Mais las de paperasse et de rapports à la maison mère, Pierre-Olivier Christen, Alexandre Witschi et Pascal Rigo fondent leur propre association à but non lucratif et reconnue d’utilité publique depuis 2021. Leur motto: post tenebras lux. Un peu parce qu’ils sont genevois, un peu parce qu’ils amènent la lumière dans la vie des enfants. Initialement spécialisée dans les cas d’abus sexuels, la complexité des cercles familiaux et la faible marge de manœuvre dans les cadres intimes ont poussé l’association à traiter principalement de harcèlements entre enfants. «Des bikers qui se regroupent pour protéger les enfants, ce n’est pas standard, note POC. On veut choquer par notre look et notre façon de procéder, parce que le but est de se faire remarquer. Il n’y a aucune intimidation, les enfants qui n’ont rien à se reprocher adorent venir nous voir, monter sur nos motos, nous poser des questions.»
Via leur site internet, les enfants ou leurs familles peuvent prendre contact avec l’association. «Dans les 24 heures, on les recontacte pour mieux comprendre la problématique, précise le cofondateur de l’association. On en fait un rapport, qui sera évalué par nos membres, mais aussi par un psychiatre, quelqu’un du social et un policier, qui travaillent avec nous.»
Recommandations
Des recommandations sont émises, sur le plan légal et psychologique. Après une première visite au domicile familial, une date est trouvée pour qu’un maximum de membres de l’association soient présents. L’enfant est cueilli par la bande à la fin des cours à midi, emmené sur les bécanes pour manger avec l’équipe de motards, puis ramené à l’école pour la suite de la journée. Enfin, le soir, «LES TEMPLIERS - Post Tenebras Lux» sont encore là pour ramener l’enfant chez lui après l’école. L’enfant peut ensuite choisir un parrain ou une marraine, qui sera atteignable en tout temps. «On se focalise sur la victime, explique Alexandre Witschi, alias “Largo”. Cela nous est égal qui est le harceleur. Mais en général, il sait pourquoi on est là, et il ne fait pas le malin. Il suffit souvent d’entamer le dialogue.» POC se souvient d’un cas particulier, qui a demandé l’engagement de beaucoup de personnes. A Vevey, une enfant se faisait harceler par un pédophile condamné, avec bracelet électronique et mesure d’éloignement, des mesures non respectées par l’homme. «Tous les mercredis, il l’attendait au restaurant de Manor parce qu’elle allait y manger avec ses grands-parents. Et tous les mercredis, pendant deux mois, entre dix et quinze motards allaient chez Manor pour assurer la sécurité de la petite.»
A Bussigny, ils sont douze à s’être déplacés pour Sarah. Pour protéger son identité, nous n’en saurons pas plus sur elle. Mais pour les bikers, si l’enfant retourne à l’école avec un peu plus de confiance que la veille, c’est déjà une victoire. Dernièrement, une fondation a été créée pour chapeauter l’association et en créer de nouvelles. Avec toujours le même objectif: être là pour les enfants dans le besoin.