Locataires en colère: la gérance de la Ville et la CPCL se rejettent la faute

Rédigé par
Fabio Bonavita
Lausanne

BISBILLE • Face à deux témoignages dénonçant de sérieux problèmes dans des logements à loyer modéré, le Service des gérances et la Caisse de pensions du personnel communal de Lausanne (CPCL) se refilent la patate chaude. Une situation qui oblige les locataires à devoir prendre leur mal en patience… ou déménager.

Grâce à son expérience en tant que secrétaire syndical chez Unia Vaud, Jean-Michel Bruyat n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Pourtant, quand il doit évoquer ses quatorze années passées dans son logement subventionné situé dans le quartier de Sauvabelin, c’est la résignation qui domine: «J’ai rencontré d’innombrables problèmes. A cause de l’absence de ventilation mécanique et d’une mauvaise isolation, il y avait de la moisissure dans ma salle de bains et dans les chambres. Lorsque j’habitais dans cet appartement, mon asthme intermittent est revenu, ce qui a été attesté par un médecin. Et, comme par miracle, depuis que j’ai déménagé dans mon nouveau logement à Epalinges, ces symptômes ont disparu.» Si son état de santé s’est amélioré, le Lausannois n’a cependant toujours pas digéré l’attitude des employés de la gérance de la Ville: «A l’époque, je leur ai demandé d’agir, ils n’ont rien fait et m’ont répondu que la moisissure était de ma faute car je laissais sécher ma lessive à l’intérieur! Ces gens méprisent les locataires car ces derniers sont dans une situation de précarité.» 
Situation intenable
Un sentiment partagé par Romina Alvarez, employée de la Ville et mère de deux enfants: «Le Service des gérances nous prend pour des idiots! Cela fait onze ans que j’habite dans mon appartement et je fais face à des problèmes d’isolation, de vétusté et de chauffage. Des morceaux de plâtre tombent même du plafond!» La jeune maman regrette que les demandes des locataires soient ignorées, sauf lorsqu’il s’agit de réviser les loyers ou d’entamer une procédure de résiliation de bail, ce qu’elle a elle-même vécu. 
En effet, suite à l’amélioration de sa situation financière, le loyer de son logement subventionné a été augmenté. «C’est normal», reconnaît-elle. Elle a toutefois contesté cette hausse, estimant que ses requêtes d’entretien restaient sans réponse. Elle a donc continué à payer son loyer sans inclure le montant supplémentaire. Quelques mois plus tard, elle a reçu une résiliation de bail par courrier. «Pour moins de 200 francs par mois, on peut se retrouver à la rue avec ses enfants», déplore-t-elle. Suite à divers échanges avec le Service des gérances, Romina a pu rester dans son logement, en attendant l’issue de la procédure de conciliation. 
Le coup de pression d’un élu 
S’ils ne l’étonnent guère, ces deux témoignages agacent Samuel de Vargas, conseiller communal socialiste et membre du comité d’Asloca Régions: «Une gérance publique doit être meilleure que les autres, pas moins bonne! Il faut des processus clairs, des interlocuteurs définis, des réponses dans des délais acceptables. Il y a un travail de réorganisation à faire.» Directeur du Service des gérances depuis le 1er juillet 2023 après avoir été juriste au sein de l’Asloca, Renaud Jaccard botte en touche: «Les deux locataires sont ou étaient dans des logements qui appartiennent à la CPCL. Ainsi, les décisions sur l’entretien et l’assainissement des bâtiments sont de son ressort.» Avant de concéder: «Comme annoncé, la CPCL a décidé d’assurer elle-même la gérance de son patrimoine immobilier depuis le 1er janvier 2025, patrimoine qui était sous gestion du Service des gérances jusqu’alors. Cela entraîne une période de surcharge pour les collaborateurs. Il a pu résulter de cette période des temps de réponse parfois plus importants.» 
Loïc Broggini, directeur de la CPCL, refuse lui aussi d’endosser la responsabilité des défauts d’entretien constatés chez Jean-Michel Bruyat et Romina Alvarez: «La CPCL a repris la gérance de son parc immobilier à partir du 1er janvier 2025, et ne dispose donc pas de l’entièreté de l’historique des dossiers, la gestion étant auparavant déléguée au Service des gérances de la Ville. La CPCL a le souci d’entretenir son parc immobilier, les logements faisant en général l’objet d’une réfection lors des relocations ou lors de demandes justifiées des locataires en place.»

 

«Renaud Jaccard incarne à merveille les valeurs  d’une gérance publique»

Trois questions à Natacha Litzistorf, municipale en charge du logement. 
Lausanne Cités: Les années se suivent et se ressemblent, les locataires continuent de se plaindre du Service des gérances de la Ville, notamment de son arrogance...
Natacha Litzistorf: Non, les années ne se ressemblent pas au Service des gérances. Ce dernier est rentré dans un cercle vertueux grâce au travail du chef de service et de collaborateurs compétents  et engagés. Il n’en demeure pas moins qu’en présence d’un sujet et d’un droit aussi fondamental que le logement, il est humain pour un locataire confronté à des situations affectant son confort, sa qualité de vie ou ses droits, d’exprimer ses préoccupations. Toute gérance, privée ou publique, est confrontée à ce phénomène inévitable. 
Des locataires estiment pourtant que le service est dirigé comme une régie privée, voire pire, c’est un comble pour un ancien de l’Asloca, non? 
Les sensibilités acquises par Renaud Jaccard à l’Asloca demeurent intactes, et sa connaissance des problématiques des locataires continuent de guider ses actions. 
Sur quoi vous basez-vous pour l’affirmer?
La preuve irréfutable que Renaud Jaccard incarne à merveille les valeurs d’une gérance publique: le nombre d’audiences en commission de conciliation, limité à quatre ou cinq pour les parcs de la Ville et de la SILL (Société Immobilière Lausannoise pour le Logement) ces deux dernières années, dont aucun ne s’est poursuivi au Tribunal des baux. 

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