
CLUBBING • Choqué par une agression raciste survenue devant un établissement lausannois, le conseiller communal Yusuf Kulmiye a décidé de déposer un postulat pour renforcer la charte «La Belle Nuit». Il déplore l’absence de mention explicite de la lutte contre le racisme dans ce texte promouvant le respect, l’égalité et l’inclusion.
Lausanne Cités: Pourquoi vouloir changer cette charte, elle ne vous convient pas?
Yusuf Kulmiye: Elle est très bien, car elle promeut les valeurs d’égalité, de respect et de durabilité, mais elle présente une lacune importante: elle passe sous silence les questions de discrimination raciale.
Pourquoi, selon vous, cette question n’a-t-elle pas été intégrée? Est-ce un oubli ou un choix politique?
Difficile à dire, je n’étais pas là quand la charte a été élaborée par les clubs et les autorités. J’ai noté cet oubli lors de la fameuse agression raciste qui s’est déroulée devant le Punk Bar à Lausanne en octobre 2024. Au moment des faits, j’ai pris connaissance de ce texte qui prône le vivre-ensemble et l’inclusion, je me suis dit alors qu’il serait bien d’ajouter quelques lignes pour éviter que de tels actes puissent se reproduire un jour.
On sent que cette agression raciste, dont la vidéo a été largement relayée sur les réseaux sociaux, vous a particulièrement choqué…
Oui, la violence physique et verbale de cette agression m’a profondément indigné. On croit toujours, de manière un peu naïve, que de tels comportements racistes ne se reproduiront plus, que la société a évolué, et finalement non. Les réseaux sociaux, parfois, mettent en lumière des choses que l’on ne pourrait pas voir. Ce fut le cas en octobre 2024 avec cette vidéo devenue virale. Ce qui compte maintenant, c’est de pouvoir déterminer si ce genre de situations est rare. Pour cela, il faut s’éloigner de l’émotionnel et réaliser une étude sur la discrimination raciale dans les clubs lausannois.
Vous-même, avez-vous été victime de tels comportements?
Pour être sincère, je ne fréquente pas vraiment ce type d’établissements nocturnes. Je suis plutôt calme donc je vais dans les cafés.
Avez-vous consulté les établissements nocturnes ou des associations de la vie nocturne pour évaluer leur disposition à élargir les engagements de la charte?
Pas encore, mais l’ajout que je propose dans cette charte doit justement permettre d’arriver à une discussion avec ces établissements, la Ville, la société civile et les diverses structures dont le Bureau lausannois pour les immigrés (BLI).
Comment garantir que l’ajout d’un volet antiraciste dans la charte ne reste pas purement symbolique mais donne lieu à des changements concrets sur le terrain?
C’est une démarche qui est davantage symbolique, il n’y a rien de contraignant dans ce que je demande, mais parfois les symboles sont importants. Ils peuvent avoir un véritable impact. Après, je pense qu’il existe probablement une forme de discrimination à l’entrée des boîtes de nuit lausannoises, cela me semble évident et il sera difficile de changer cet état de fait. Mais quand une personne est entrée dans l’établissement, elle doit pouvoir se sentir en sécurité à l’intérieur ou aux alentours. Peu importe sa couleur de peau.
Souhaitez-vous que des formations spécifiques à la lutte contre le racisme soient obligatoires pour les équipes des établissements nocturnes?
Je souhaite ce type de formations, mais elles ne doivent pas être imposées. Je pense que le dialogue avec les clubs permettra de généraliser ce type de démarches.
Envisagez-vous un mécanisme de suivi ou de sanctions pour les établissements qui ne respecteraient pas les principes renforcés de la charte?
Non, car cette charte est d’abord une déclaration d’intentions. La Ville n’a pas de pouvoir sur la manière dont les patrons gèrent leur boîte de nuit.
Avez-vous recensé d’autres villes suisses ou européennes qui ont déjà intégré explicitement la lutte contre le racisme dans des chartes similaires?
Oui. En Suisse, il existe, à Zurich ou Genève, des stratégies de pacification de la vie nocturne. A Paris, il y a des chartes, à Barcelone également, aux Pays-Bas, il y a même un titre «Night Mayor» pour les personnes qui participent et aide au développement de la vie nocturne.