Eoliennes: un paysan craint pour son troupeau

Rédigé par
Joëlle Tille
Vaud

EOLJORAT • La mise à l’enquête du parc éolien Eoljorat Sud a débuté le 12 juin. Patrick Demont, exploitant de la ferme des Saugealles (Cugy), souhaite des garanties d’indemnisation en cas d’impact sur ses animaux.

Qui va payer? C’est la question qui taraude Patrick Demont, exploitant de la ferme des Saugealles à Cugy. Le parc éolien Eoljorat Sud de la Ville de Lausanne prévoit l’implantation de deux éoliennes à 400 mètres de sa ferme. Ses inquiétudes? Que son troupeau souffre de dommages causés par cette installation et qu’il en résulte des pertes financières considérables.«Nous avons beaucoup investi pour avoir une production laitère de qualité. Si j’ai des problèmes avec mon bétail, je peux mettre la clé sous la porte. C’est un risque que je ne peux pas prendre». Au moment où nous écrivons, une convention est en cours d’établissement entre la Ville et le paysan, qui souhaite y inclure des garanties de dédommagement si des problèmes conséquents devaient se présenter. «Pour le moment, aucune indemnisation n’est prévue dans le cas où je subirais des pertes.»  
Prévoir les pires scénarios
Mais quels sont ces risques? Récemment, deux vétérinaires se sont penchés sur la question lors d’une conférence à Froideville. Selon Charles Trolliet, vétérinaire à Cugy et ancien président du comité de la Fédération Suisse des Sports Equestres, les animaux peuvent subir des troubles du comportement incluant stress et agitation liés aux effets stroboscopiques des ombres des pales qui tournent, ou aux vibrations infrasonores. Mais les données qui étayent ces relations de cause à effet ne font pas l’unanimité et sont peu nombreuses. Cette absence de preuves, particulièrement en Suisse, est une raison supplémentaire pour Patrick Demont de se montrer prudent. «Nous n’aurons la réponse qu’une fois que les éoliennes seront en marche».
Le risque prouvé en revanche est l’effet non contestable des courants vagabonds sur les bovins. Ils découlent de mises à terre insuffisantes ou d’un raccordement électrique qui n’aurait pas été effectué de manière à protéger les bêtes. Leurs conséquences peuvent être graves et corrélées à une baisse importante de la production du lait et de sa qualité. Responsable de production animale chez Proconseil Sàrl (Prométerre), Pascal Rufer explique que des recommandations spécifiques sont à suivre pour assurer que le bétail ne souffre pas de ces courants électriques, car «une installation peut être conforme aux normes sécuritaires en vigueur mais pas pour assurer le bien-être des animaux.» C’est pourquoi, dans le cas d’une installation d’envergure telle qu’une éolienne, il estime important de planifier les réponses, notamment financières, aux pires scénarios, même si tout est mis en œuvre pour qu’ils n’arrivent pas. 
De son côté, le municipal en charge de l’énergie Xavier Company informe que, d’entente avec l’exploitant, «il est prévu d’effectuer le suivi des mesures concernant le troupeau par un expert indépendant avant et après la pose des éoliennes». En somme, il s’agit de consigner les données concernant la santé des animaux et de la qualité de la production laitière. «Dans le cas d’une atteinte observée par l’expert, une étude complémentaire devra en déterminer les causes. Si une incidence est visible, et qu’elle est liée aux réseaux électriques, les éléments en cause seront corrigés, afin de garantir à l’exploitant la poursuite de son activité », poursuit le municipal. 
Ce dernier se veut rassurant: «A notre sens, nous avons les moyens techniques de corriger les problèmes, s’il y en a. Il est important de garder en tête qu’il s’agit d’un processus en plusieurs étapes. Si, malgré tout, des pertes de revenu sont provoquées, nous discuterons des compensations, mais nous n’en sommes pas là. Les discussions sont encore en cours concernant l’établissement de la convention et il me semble que nous menons des démarches constructives.» Et de préciser que le raccordement électrique de l’éolienne des Saugealles sera éloigné des bâtiments agricoles. 
Une collaboration centenaire
La famille Demont loue la ferme des Saugealles à la Ville de Lausanne  depuis cinq générations. Une longue histoire dont la Ville se montre également fière, puisqu’il s’agit du premier domaine agricole qu’elle a acquis, au  XVIIIe siècle. «La collaboration s’est toujours bien passée, estime le paysan. Je considère légitime d’avoir des interrogations et de souhaiter des garanties et un soutien financier si la pérennité de l’exploitation devait être mise en danger.»

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