MOBILITÉ • Avec pas moins de 355 oppositions déposées lors de sa mise à l’enquête publique, le projet de réaménagement des quais morgiens continue de susciter de vifs débats. Il suffit de se rendre sur place pour s’en convaincre…
Lors des belles journées ensoleillées, les quais de Morges sont souvent constellés de promeneurs et de cyclistes. Un cadre que les habitants de la petite ville affectionnent et qui pourrait bientôt se transformer avec la réalisation d’une voie verte, un ambitieux projet visant à transformer la mobilité sur les quais en créant une voie de trois mètres de largeur pour les cyclistes et une piste en argilo-calcaire plus étroite pour les promeneurs, ainsi que différents espaces de rencontre. Mais qu’en pensent celles et ceux qui habitent ou côtoient fréquemment ce lieu? Certains Morgiens rencontrés semblent intéressés par l’idée. «Ça ne va pas me changer grand-chose. J’adore me balader au bord du lac», déclare une retraitée.
Cette dernière paraît même contente que des lieux de rencontre soient développés. Un peu plus loin, une promeneuse trouve que «l’intention paraît bonne, et mettre les vélos en sécurité semble important». Selon elle, cela pourrait peut-être même favoriser la circulation, car «lorsque les cyclistes passent aux mêmes endroits que les camions et voitures, ça les freine.» Toutefois, certaines inquiétudes et questions pointent rapidement le bout de leur nez. Si l’idée de sortir les vélos du centre-ville semble convaincre, comment réglementer la circulation de ces derniers pour qu’ils ne nuisent pas aux autres usagers?
Equilibre
«Tout le monde ne peut pas faire du vélo! Je pense notamment aux personnes âgées, déclare une quadragénaire habitant la région. Il est donc important que l’espace soit suffisant pour permettre à tout le monde de se balader en sécurité.»
Un peu plus loin, un habitué des lieux s’interroge: «Il est important de trouver un équilibre entre la voie verte et tous les autres besoins de la ville. Il y a des commerçants et des gens qui vivent ici. Il faut prendre en compte cela et ne pas simplement imposer la voie verte.»
Et dans ce contexte-là, Yannick Juillerat, gérant d’un hôtel situé au bord du lac, exprime une position plus tranchée: «Je suis contre et je ne suis probablement pas le seul. Le projet a recueilli un grand nombre d’oppositions.» Selon lui, la voie verte ne favorisera en aucun cas l’attractivité touristique de Morges, en plus d’engendrer la suppression de certaines places et donc la perte de potentiels clients. Il cite en exemple des projets similaires menés à Lausanne et même sur la rue de Rivoli à Paris. «Plus de 50% des magasins ont fermé dans cette rue et il n’y a plus aucun restaurant», s’exclame Yannick Juillerat. Et on parle de la rue de Rivoli à Paris, imaginez sur les quais de Morges».
Des bouchons amplifiés?
Finalement, une inquiétude réside aussi dans l’impact que pourrait avoir cette voie verte sur la circulation. «Ça risque d’amplifier les bouchons», note un passant, qui semble confirmer les propos du gérant d’hôtel: «Il y a environ 8000 véhicules qui passent chaque jour sur les quais et, quand on les ferme, la circulation est catastrophique en ville.» Yannick Juillerat et d’autres personnes interrogées suggèrent ainsi des voies cyclables indépendantes du trafic automobile, comme dans certaines régions du nord de l’Europe. Ainsi, la voie verte va devoir convaincre habitants, visiteurs et commerçants de ses bienfaits.
Face à toutes ces interrogations la Ville de Morges a tenu à clarifier plusieurs points. Selon elle, il ne s’agit pas d’une autoroute pour vélos, car le projet est pensé pour une «cohabitation entre les usagers, y compris les plus fragiles, avec des aménagements limitant les vitesses élevées et des campagnes de sensibilisation prévues». Par ailleurs, près de 80 places de stationnement seront certes supprimées, mais 80% d’entre elles seront temporairement relocalisées au Parc des Sports, en attendant une augmentation de l’offre souterraine, affirme la Ville. Les places dédiées aux personnes à mobilité réduite et équipées de bornes de recharge électrique seront notamment conservées.