Places en crèche: Des familles critiquent 
le «flicage» de la Ville

Rédigé par
Benjamin Keller
Lausanne

CRÈCHES • Des garderies municipales demandent aux parents une attestation de l’employeur pour prouver qu’ils travaillent bien aux horaires indiqués. Les autorités expliquent que cette mesure vise à garantir l’accueil du plus grand nombre.

La Ville de Lausanne ne fait-elle pas confiance aux parents d’enfants en bas âge? Ce jeune papa récemment installé aux Plaines-du-Loup est tombé des nues en ouvrant la lettre adressée aux familles de la crèche de l’écoquartier qui accueille sa cadette. Dans cette missive datée du 20 février dernier, la direction du centre de vie enfantine (CVE) veut connaître les jours de fréquentation souhaités pour la rentrée prochaine. Jusque-là, rien d’inhabituel. Ce qui étonne le papa, c’est qu’il faut aussi renseigner ses horaires de travail et faire signer le formulaire par son employeur. En clair: la garderie veut s’assurer que les parents disent la vérité sur leur taux d’activité. Le délai de réponse était fixé au 7 mars. Pour le père de famille, cela va trop loin. «La politique lausannoise de l’enfance devient un véritable flicage parental», critique-t-il. Il questionne: «Quid des indépendants, des chômeurs, des personnes en recherche d’emploi et autres cas particuliers dont la situation n’est pas régulière et connue dans un horizon de six mois?» «Je n’ai jamais vu ça», témoigne une maman «fâchée» qui a reçu le même courrier. Elle se désole de «l’ambiance suspicieuse» que cette demande instaure. «Je ne connais personne qui profite de mettre ses enfants à la garderie pour prendre du bon temps», dit-elle. 
D’abord, les parents qui bossent
A ses yeux, les parents font les frais du manque d’investissements de la Ville dans l’accueil préscolaire. «Nous sommes entourés de familles qui galèrent», déplore-t-elle. Et de citer le cas de voisins qui ont dû laisser leur fille dans le CVE du quartier où ils habitaient auparavant, faute de place aux Plaines-du-Loup. Ou d’une amie en recherche d’emploi avec deux enfants qui  aurait été menacée de se voir retirer son unique jour de crèche parce qu’elle ne trouvait pas de travail au bout de plusieurs mois.
Contactée, la Ville déclare justement vouloir garantir l’accueil d’un maximum d’enfants. Dans ce but, les nouvelles conditions de la procédure d’attribution des places (PAP) entrée en vigueur en avril 2023 prévoient que «le taux et les jours de fréquentation sont adaptés aux jours de travail effectifs des parents». Ces derniers en avaient été informés par écrit. «Les places sont attribuées en priorité aux personnes avec un besoin de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle (typiquement: activité salariée ou indépendante, études), mais nous répondons dans la mesure du possible aux demandes pour des motifs de socialisation ou de prévention», précise Bertrand Martinelli, chef du Service de la petite enfance.  
Possibilités limitées
Les directions de crèches peuvent exiger des parents une attestation de l’employeur, mais toutes ne le font pas. Aux Plaines-du-Loup, le problème est que les possibilités d’accueil sont pour l’instant limitées. Le quartier, dont la première étape s’achève, ne possède encore qu’une seule crèche pour 2500 habitants. «Les groupes se remplissent très vite et il reste peu de marge de manœuvre pour proposer un accueil en dehors du motif de la conciliation (ndlr: entre vie familiale et vie professionnelle), relève Bertrand Martinelli. La deuxième garderie qui ouvrira cet été dans le quartier permettra de pouvoir couvrir davantage de besoins.» 
Ces justifications ont le don d’agacer la maman des Plaines-du-Loup à qui nous avons parlé. «Nous avons dû signer un papier une année avant d’emménager pour indiquer combien nous avions d’enfants, quels étaient nos besoins, etc. Je ne comprends pas qu’on décide de créer un quartier aussi énorme et qu’on n’ouvre pas des places de crèches en conséquence.»  

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