Les bibliothécaires scolaires 
 vaudois broient du noir

Rédigé par
Charaf Abdessemed
Vaud

ÉPUISEMENT • Pénurie de personnel, charges croissantes, rémunération insuffisante, manque d’écoute de la part de la Direction générale de l’enseignement obligatoire… Les bibliothécaires scolaires vivent un quotidien de plus en plus difficile. 

«Le métier de bibliothécaire scolaire n’est pas en soi un métier pénible, nous ne sommes tout de même pas sur les chantiers. C’est un travail que l’on adore, nous aimons les livres et aimons transmettre notre passion du savoir. Mais le problème c’est la charge de travail, de plus en plus conséquente, car on nous en demande toujours plus qu’il s’agisse des animations pédagogiques et des accueils de classes, en plus de la gestion complète et technique d’un centre de documentation, avec des postes souvent à temps partiel». 
Cette charge de travail que dénonce Katy Karoui, bibliothécaire scolaire et déléguée syndicale, trouve sa cause non seulement dans le nombre croissant de tâches qu’on demande à cette profession, mais aussi à une situation de pénurie. Dans le Canton de Vaud, l’ensemble du réseau des bibliothèques scolaires emploie actuellement plus de 150 personnes, pour l’équivalent de 82 temps-pleins, un chiffre insuffisant, le Conseil d’Etat admettant qu’il manque au moins 16 postes à 100% pour satisfaire les besoins actuels. Peu attractif, le métier peine en effet à recruter, les bibliothécaires en poste étant de facto très fortement sollicités, d’autant que leur cahier des charges tend à s’élargir. 
«La charge de travail que nous déplorons est également liée au nombre croissant d’animations demandées aux bibliothécaires scolaires, observe Gilles Pierrehumbert, secrétaire fédéral du syndicat SUD. Il y en a trop et elles sont insuffisamment rémunérées car la rémunération ne tient pas compte de la dimension pédagogique de ce travail, alors que ce personnel est au bénéfice d’un Bachelor HES, complété par un CAS-HEP Vaud».
A tous les élèves du Canton 
Découlant du Plan d’Etudes Romand, les animations pédagogiques se multiplient en effet pour des classes allant de la 1P à la 11S (4 à 15 ans), le gouvernement souhaitant qu’elles soient délivrées à l’ensemble des élèves de la scolarité obligatoire, quelle que soit la commune de résidence ou leur degré de scolarité, et ce afin «d’assurer l’équité de traitement entre tous les élèves du Canton». Au risque d’épuiser les bibliothécaires, ce que relève par exemple la Commission de Gestion du Grand Conseil dans son rapport publié en avril dernier, où elle exprime sa préoccupation «en raison de la quantité d’animations pédagogiques exigée et du manque de valorisation des tâches annexes telles que l’accueil des classes, la lecture d’histoires, les discussions diverses.»
Dans une interpellation déposée en novembre 2024 au Grand Conseil, la députée Nathalie Jaccard, dénonce également «la priorisation de la quantité d’animations au détriment de la qualité du programme proposé crée un sentiment d'incompréhension et d’injustice parmi les bibliothécaires qui s'efforcent de bien accomplir leur métier et en saisissent toutes les implications».
L’autre motif d’insatisfaction est à l’évidence la rémunération: «les bibliothécaires scolaires ont un temps de travail annualisé qui fait que la charge de travail est concentrée sur les semaines scolaires avec des pics parfois très intenses, déplore Gilles Pierrehumbert. Et la cerise sur le gâteau, c’est que le système qui comptabilise leur temps de travail ne décompte pas les absences pour cause de rendez-vous médical ou de maladie, ce qui fait qu’elles doivent être compensées!»
Réflexions en cours
«En cas de maladie, le nombre d’heures pris en compte est standardisé en fonction du nombre d’heures hebdomadaires et du pourcentage de la personne, explique la Direction générale de l’enseignement obligatoire (DGEO). C’est le cas pour le reste du personnel administratif employé par l’Etat de Vaud. Par exemple, une personne qui travaille à 100% doit effectuer 8h18 de travail par jour. Si elle est malade, ses 8h18 de travail seront comptabilisées, mais pas le nombre d’heures qu’elle avait prévu de faire en plus. Dans le cas des bibliothécaires scolaires et de leurs horaires variables, cette différence a été signalée à la Direction générale de l’enseignement obligatoire et de la pédagogie spécialisée et des réflexions sont en cours». 

 

Un avenir en négociation

Dans le Canton de Vaud, les bibliothécaires scolaires travaillent sous deux statuts différents. Certains sont sous contrat avec l’Etat de Vaud, avec un statut de personnel administratif, émargeant en classe 8 ou 9, d’autres ont un contrat de travail avec… les communes, qui les emploient également dans le cadre de leurs propres bibliothèques, l’ensemble étant depuis 2013, sous la coordination de la BCUL. Alors que des négociations sont en cours avec la DGEO en vue d’une réorganisation de leur cadre de travail, ceux-ci déplorent de ne pas avoir été suffisamment écoutés. «Nous avons eu beaucoup de peine à établir un contact avec la DGEO et durant toute une année nous n’avons pas reçu de réponses à nos courriers, explique Gilles Pierrehumbert, secrétaire général du syndicat SUD. Une rencontre est prévue dans les prochaines semaines, à la fois pour que les bibliothécaires puissent exprimer leurs doléances sur les problèmes qu’ils rencontrent actuellement, mais aussi pour qu’ils puissent être sérieusement associés à l’élaboration de leur futur cahier des charges». 

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