A Lausanne, le business du ramadan 
se porte mieux que jamais

Rédigé par
Fabio Bonavita
Société

RAMADAN • Autrefois confinés aux petites échoppes de quartier, les produits liés au mois saint gagnent peu à peu les grandes enseignes. Cette démocratisation, encore timide, s’accompagne d’une diversification de l’offre proposée durant la période de jeûne du calendrier musulman qui débutera ces prochains jours.

Mahdi Belaatar est aux avant-postes pour juger de l’évolution de l’activité commerciale durant la période du Ramadan. Avec ses frères Khalid et Abdellah, il gère depuis près de vingt-deux ans Swisshallal Food, une enseigne située à l’avenue Louis-Ruchonnet qui propose, en ligne ou dans ses murs, de la viande, mais aussi des pâtisseries, des épices, des cosmétiques ou des confitures. 
Lorsqu’on lui demande s’il constate une croissance du business en lien avec le mois saint, sa réponse ne se fait pas attendre: «Oui, nous observons une forte augmentation des commandes, notamment pour les plats et les pâtisseries typiques du Ramadan. Notre clientèle est principalement composée de personnes de confession musulmane. Cependant, nous avons aussi des clients non-musulmans qui viennent par curiosité découvrir de nouvelles saveurs.»    
Essence spirituelle
Cette tendance est aussi confirmée par la Fondation socioculturelle des musulmans de Lausanne (FSML). Sans parler de raz-de-marée, l’institution note une présence plus visible de produits associés au Ramadan, ce qui correspond, à ses yeux, à une reconnaissance des besoins d’une partie de la communauté musulmane. Pour apporter sa pierre à l’édifice, la fondation lausannoise a organisé le 8 février dernier une journée de shopping baptisée «Spécial Ramadan» au sein du Complexe Culturel Musulman de Lausanne. Une démarche d’apparence mercantile, mais qui se voulait avant tout basée sur la solidarité et le partage: «L’événement a rassemblé principalement des habitués du centre dans une ambiance conviviale et sobre, précise le comité de la FSML. Il s’agissait avant tout de faciliter l’organisation des familles pour le mois sacré, tout en préservant l’esprit de modération et de spiritualité propre au Ramadan. Les prix proposés couvraient à peine les frais avec une marge négligeable pour le Centre. On ne considère donc pas l’évènement comme une activité commerciale proprement dite et l’aspect culturel demeure dominant.»
Aldi, Coop et Galaxus
Si les événements, avant ou durant le Ramadan, émanant de la communauté musulmane ont toujours existé à Lausanne, Mahdi Belaatar note cependant un changement dans les habitudes de consommation: «Nous constatons que de plus en plus de grandes enseignes proposent des produits liés au Ramadan, cette évolution montre un intérêt croissant pour cette période, tant au niveau commercial que culturel.» Si Migros Vaud affirme ne pas proposer de produits spécifiques, la plus grande boutique en ligne de Suisse Galaxus, dont le principal actionnaire est le géant orange, affiche pas moins de 102 résultats lorsque l’on tape le mot-clé «Ramadan». Son porte-parole, Alex Hämmerli, précise: «La plupart des articles Ramadan de notre assortiment sont disponibles depuis décembre 2023. Les calendriers du Ramadan sont les plus appréciés de notre clientèle.» 
D’autres grandes enseignes sont à la manœuvre cette année. Chez Aldi, par exemple, on a décidé de mettre les bouchées doubles: «Pour la première fois, nous proposons dans certaines de nos filiales, un calendrier du ramadan, grâce auquel notre clientèle peut célébrer le mois de jeûne avec de petites surprises quotidiennes. En plus de ces extensions de gamme, nos clientes et clients bénéficient pendant le ramadan d’une action XXL sur les dattes ainsi que de super deals sur les fruits secs et les noix.» Dans les succursales Coop aussi, le Ramadan fera l’objet d’une attention toute particulière: «Nous proposerons un large assortiment de dattes et de figues sèches jusqu’à la fin du Ramadan et organiserons des actions attrayantes.» S’ils élargissent leur offre au fil des années, les grands distributeurs restent encore à la marge de la démocratisation d’un business qui profite d’abord aux enseignes communautaires lausannoises. Mais pour combien de temps encore? 

 

«Nous restons vigilants afin que l’esprit du Ramadan ne soit pas éclipsé»

Trois questions à Ufuk Ikitepe, président de l’Union Vaudoise des Associations Musulmanes (UVAM).
Lausanne Cités: Le business autour du mois saint semble prendre de l’ampleur à Lausanne et dans le Canton de Vaud, faites-vous le même constat?
Ufuk Ikitepe:Oui, nous observons une croissance de l’offre commerciale. De plus en plus d’acteurs, qu’ils soient issus des communautés musulmanes ou du commerce général, proposent des produits et services adaptés à cette période.

Cette commercialisation galopante vous dérange-t-elle? 
Tout dépend de la manière dont elle est menée. D’un côté, elle facilite l’organisation du jeûne et des moments de partage. Toutefois, nous restons vigilants afin que l’esprit du Ramadan ne soit pas éclipsé par une surconsommation ou une approche purement mercantile. Le Ramadan est avant tout un mois de spiritualité, de solidarité et de partage.

De quelle manière l’UVAM va-t-elle s’engager pour célébrer le prochain Ramadan?
Sur deux axes: la solidarité et la convivialité. Nous mettons en place des actions de soutien aux personnes en difficulté, notamment par la distribution de repas et d’aides alimentaires dans nos centres. Par ailleurs, nous souhaitons renforcer le dialogue et l’ouverture en invitant les autorités locales ainsi que les voisins de nos centres aux repas d’Iftar. 

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