
IMMOBILIER • L’éventuelle suppression de cet impôt, jugé injuste par les propriétaires vaudois, s’accompagnerait de contre-mesures leur étant défavorables. Le point sur un projet compliqué et définitivement clivant.
Cela ressemblait à un cadeau mais il risque de se révéler empoisonné! Les 30,1% de propriétaires vaudois croyaient y gagner et au final, nombre d’entre eux ont de bonnes chances d’y perdre… Le projet d’abolition de l’impôt sur la valeur locative vient finalement prendre les milieux immobiliers à leur propre jeu... «Cette réforme du système d’imposition de la propriété du logement, proposée fin 2024 par les Chambres fédérales, découle de la pétition que notre organisation avait déposée en partenariat avec son pendant alémanique dès 2016, rappelle le Vaudois Olivier Feller, secrétaire général de la Fédération romande immobilière (FRI). L’idée était de supprimer sur les plans fédéral comme cantonal un impôt inique, fondé en 1934 en temps de crise, et frappant les propriétaires sur le revenu locatif fictif et donc non perçu de leur propre logement.»
Sauf que le projet du Parlement, qui pourrait passer en votation le 28 septembre, propose en contrepartie de ne plus permettre à ces mêmes personnes de déduire de leurs impôts leurs frais d’entretien et, sur le plan fédéral, ceux relatifs aux rénovations énergétiques mais aussi les loyers qu’ils paient à leur banque sur leur crédit hypothécaire (à l’exception des primo accédants mais de manière plafonnée et dégressive sur dix ans)…
Et au final, beaucoup de petits propriétaires perdraient donc là une manière légale de faire de «l’optimisation fiscale».
Des conséquences sur le marché immobilier
Au-delà de leurs divers cas particuliers (lire encadré), la réforme rejaillirait sur l’ensemble de la branche. Vincent Leroux, président de la SVIT Romandie, organisation basée à Lausanne défendant les acteurs du secteur immobilier, pronostique qu’en attendant l’éventuelle rentrée en vigueur de la réforme, soit au plus tôt le 1er janvier 2028, «on pourrait assister à une accélération de la demande d’achat de biens immobiliers et donc à une augmentation de prix déjà élevés».
Dans ce même intervalle, le professionnel voit «survenir une forte augmentation des demandes de rénovation et d’entretien et ce afin de profiter des déductions tant qu’elles sont encore possibles». Surchargés, les professionnels du bâtiment auraient alors grand mal à répondre à la demande et plus de mal encore que d’habitude à tenir les délais… «A plus long terme, une fois la réforme entrée en vigueur, on risque d’assister à une détérioration du parc immobilier puisque son entretien sera devenu plus onéreux», explique Vincent Leroux. Il y aurait également le risque non négligeable de voir le travail au noir se répandre davantage dans le bâtiment.
Les banques y perdraient aussi
Cet objet a cependant peu de chances de passer la rampe. Pourquoi? Car il est indissociable de la mise en place d’un impôt plus élevé que le précédent sur les résidences secondaires, lequel nécessite une modification de la constitution et donc la double majorité du peuple et des cantons. Rappelons aussi que la gauche est idéologiquement opposée à la suppression de l’impôt sur la valeur locative car elle estime qu’il vient rééquilibrer une balance qui mériterait de l’être entre propriétaires et locataires.
De plus, une bonne partie de la droite est elle-même plutôt opposée au projet, sans forcémment l’avouer ouvertement car il émane de ses rangs. Notons aussi que les milieux bancaires ont plus à y perdre qu’à y gagner. Mi-avril, une enquête d’Helvetia estimait ainsi entre 50 et 150 milliards de francs les pertes de volume hypothécaire qu’entrainerait une suppression de la taxe sur la valeur locative pour les banques.
«Ce changement de système profitera avant tout aux riches propriétaires immobiliers. Le coût de ce projet est d’au moins 1,7 milliard de francs par an. Qui en paiera le prix? La classe moyenne, par des hausses d’impôt. C’est pour cette raison que je m’oppose à ce projet raté», conclut de son côté la conseillère nationale socialiste Jessica Jaccoud.
Un casse-tête pour les petits propriétaires
A moins d’aller consulter sa fiduciaire ou de se munir de sa calculette, de son classeur de paperasse, d’un simulateur et de pas mal d’abnégation, un petit propriétaire aura parfois bien du mal à discerner si une entrée en vigueur de la réforme sera positive ou non pour son portefeuille. «Car il existe quasiment autant de situations que de personnes, assène OIivier Feller, secrétaire général de la Fédération romande immobilière (FRI). Mais grosso modo, on peut dire que les personnes retraitées n’ayant plus ou que peu de dettes hypothécaires et disposant d’un logement bien entretenu y trouveront leur compte, de même que les ménages qui ont acquis sans gros crédit un logement déjà aux normes énergétiques actuelles.» Mais notons aussi que la situation n’est pas figée. Un propriétaire, tout d’abord gagnant, pourrait dans un second temps regretter l’ancien système si une grosse rénovation imprévue s’imposait soudainement dans son logement, du type changement de sa chaudière. Notons aussi que les taux hypothécaires, historiquement bas ces dernières années, pourraient aussi venir changer la donne en cours de route, lorsqu’ils viendront à remonter, faisant ainsi regretter l’époque où déduire les intérêts de sa dette de ses impôts était encore possible. Du coup, il n’y a pas de position type à adopter face à cette réforme pour les propriétaires concernés. C’est pourquoi d’ailleurs, la FRI comme la SVIT Romandie penchent plutôt pour informer leurs membres que pour leur donner une consigne de vote unique. Notons que le paquet de réforme, proposé par le Parlement, ne concerne pas les immeubles de rendement.