
VACARME • A l’avenue Louis-Ruchonnet, l’arrivée de la belle saison apporte plus de bruit que de sérénité. Entre les fêtes qui s’éternisent et les manifestations bruyantes sur l’esplanade de Montbenon, les riverains se battent pour retrouver la paix nocturne qu’ils réclament depuis des années.
A l’approche des beaux jours, nombreux sont les Lausannois à se réjouir de pouvoir profiter des plaisirs procurés par des températures plus clémentes et des journées plus longues. Pour Philippe Monnet, coiffeur de profession et habitant de longue date à l’avenue Louis-Ruchonnet, c’est un tout autre refrain qui résonne à ses oreilles: «L’arrivée du printemps et, pire encore, de l’été, représente pour moi une source d’anxiété. Car je sais que mes nuits vont à nouveau se transformer en véritables cauchemars.»
Le motif de son inquiétude? Ses fenêtres donnent d’un côté sur la rue et de l’autre sur l’esplanade de Montbenon. La même qui a hébergé le Lausanne Carnaval le weekend dernier et accueillera notamment les festivals Colombia Vive et Cinémas d’Afrique. Sans oublier les réunions intempestives de fêtards qui se prolongent jusqu’au bout de la nuit et qui l’ont poussé à prendre une décision radicale: «Quand les beaux jours arrivent, impossible de dormir dans ma chambre à coucher sans boules Quies, même avec les fenêtres closes. Je dois déplacer mon matelas à même le sol dans mon hall, toutes portes et fenêtres fermées. Ce n’est en aucun cas une solution acceptable, mais je n’ai pas le choix car le vacarme se prolonge jusqu’à deux ou trois heures du matin. Je ne comprends pas comment la Municipalité, qui prône des mesures pour réduire le bruit en abaissant la vitesse du trafic à 30 km/h de 22 heures à 6 heures valide de telles nuisances sonores qui pourrissent les nuits des habitants. Il n’y a aucune cohérence dans cette gestion!»
Silence radio depuis décembre
Pour tenter de mettre un terme à cette situation, Philippe Monnet a fait sien le proverbe «l’union fait la force» en créant un collectif de mécontents. Ce dernier, constitué de six locataires vivant de longue date dans le quartier, a pour vocation de faire pression sur la Ville: «Depuis 2017, nous avons multiplié les pétitions et les courriers à la Municipalité ainsi qu’à la Direction de la sécurité et de l’économie mais sans succès, précise Mariange Gagliardi. La Ville nous a répondu qu’en cas de bruit excessif, nous n’avions qu’à appeler la police. Elle est évidemment déjà venue à de multiples reprises sans pouvoir agir car ces manifestations ont reçu l’autorisation… de la Ville. Cette dernière pense certainement nous décourager, mais elle ne fait que renforcer notre envie de nous battre…»
Egalement membre du collectif, Carole Rey tient à souligner que ces nuisances sonores ne doivent pas être prises à la légère: «Notre dernier courrier adressé à Pierre-Antoine Hildbrand, daté du 23 décembre 2024 et sollicitant un entretien, est resté lettre morte. Pourtant, ces nuisances en ville relèvent d’un problème de santé publique qui, à l’heure actuelle, ne peut être ignoré. Les rares réponses obtenues répètent inlassablement que les manifestations organisées sur le territoire lausannois contribuent à l’attractivité et au dynamisme de la ville.» Son voisin, Pascal Pavid, en rajoute une couche: «La fréquence des manifestations a changé. Il y en a bien plus. Mais le comportement des fêtards aussi a évolué, il n’y a tout simplement plus de respect. Ils se fichent de réveiller tout un quartier ou de dégueulasser l’esplanade, ils ne pensent qu’à leur pomme. Le bruit peut parfois atteindre, d’après des mesures effectuées sur mon balcon, plus de 95 décibels, c’est un véritable enfer!»
La Ville tend la main
Face à cette liste relativement longue de récriminations, Pierre-Antoine Hildbrand, municipal en charge de la sécurité et de l’économie, ouvre la porte au dialogue: «Une analyse sera prochainement effectuée par les services communaux. En ce sens, des limitations en matière d’horaires ou de décibels pourraient notamment être envisagées. Lausanne est positivement connue comme une ville étudiante et comme cadre de nombreuses manifestations culturelles et sportives à succès. Ces manifestations contribuent à sa réputation, y compris touristique. Les autorités essayent de concilier au mieux les intérêts parfois contradictoires des riverains, des organisateurs et des participants heureux de ces événements.»
Le municipal confirme également qu’il est désormais prêt à rencontrer les membres du collectif tout en rappelant que le nombre d’événements festifs organisés sur l’esplanade de Montbenon n’est pas en augmentation, contrairement aux dires de ce même collectif: «La tendance est stable. En effet, en 2021 , il y a eu 61 jours de manifestations; en 2022: 60 jours en 2023 et 63 jours en 2024.»
Au-delà de la bataille des chiffres, le premier souhait des voisins de l’esplanade est de pouvoir avoir une discussion franche et constructive avec la Municipalité. Un souhait qui semble enfin en passe d’être exaucé…