Lausanne Cités: Vos polars se déroulent à Lausanne. Pourquoi avoir choisi notre ville comme principal terrain de jeu de vos intrigues?
Raphaël Guillet: J’ai grandi à Villeneuve mais j’ai fait mes études à Lausanne et j’y ai toujours vécu depuis, mis à part quelques courtes infidélités à Vevey ou dans le quartier des Pâquis à Genève. J’aime cette ville, il est important que des histoires puissent se dérouler en Suisse et pas seulement à Paris ou Los Angeles, même si les thématiques que j’aborde sont universelles…
L’intrigue de votre dernier roman prend place dans un établissement médico-social. Ce n’est pas courant…
C’est parce que pendant quatre ans je me suis rendu régulièrement dans l’EMS où vivait ma mère et je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup de gens très bien et très intéressants dans cet univers.
Au-delà de l’intrigue policière, une véritable critique sociale sous-jacente émerge clairement au fil des pages…
Bien sûr, il y a tout de même des choses à améliorer dans notre société, aussi bien par exemple la question du traitement réservé à la main-d’œuvre étrangère indispensable, que le sort que l’on fait aux personnes âgées… Cela dit, dans ce roman, je ne donne aucun avis, je raconte juste une histoire, avec l’envie que les gens se posent des questions et réfléchissent sur la problématique de la vieillesse et de la fin de vie…
Vous venez de prendre votre retraite après des années de bons et loyaux services à la RTS. Vous y pensez à la vieillesse?
J’ai perdu mes deux parents et je viens d’avoir 65 ans, cela devient donc plus concret (rires). Ce que je souhaite surtout, c’est que la fin de vie soit digne, et il est surprenant que dans notre société, les animaux puissent mourir quand ils sont malades mais pas les humains… Pour ma part, je vais m’inscrire à Exit mais je ne sais pas si je serai capable de décider de la date de ma mort (rires)…
Faut-il vieillir à tout prix?
Disons qu’il vaut quand même mieux vieillir que mourir à 20 ans (rires)! Mais pas au prix de la déchéance et de la perte de dignité.
Beaucoup estiment que le polar est un genre littéraire mineur. C’est votre avis?
Quand je faisais mes études de Lettres, j’avais un peu ce regard-là… Et puis, en lisant des auteurs de polars comme Dennis Lehane, j’ai compris que ce sont aussi de très grands écrivains… Pour moi, la force du polar, c’est qu’il permet d’aller dans les entrailles de la société, dans ses aspects les plus problématiques et les plus sombres, même si je ne mets pas beaucoup d’hémoglobine dans mes romans…
Pas d’hémoglobine mais en revanche beaucoup de tendresse pour « les petites gens »…
Je viens du petit peuple, j’ai donc une authentique tendresse pour cet univers à la Pagnol. Dans ces milieux, il y a beaucoup de truculence, ce qui m’a d’ailleurs permis d’avoir une galerie de personnages dont je peux reprendre de temps en temps les traits dans mes romans…
On dit même que de temps à autre, vous continuez à aider votre frère à faire les livraisons de la boucherie familiale…
Mais oui! C’est passionnant, on frappe aux portes, on dit bonjour et on peut aller à la rencontre de tous les milieux, de la tenancière au docteur en passant par les grands bourgeois… C’est d’ailleurs en faisant des livraisons que j’ai appris mon métier!
Quel sera votre prochain roman?
Ce ne sera pas un polar, mais un roman encore plus picaresque qui se déroule dans une pension de famille que j’ai inventée au Vallon, avec encore plus de personnages du petit peuple, tous des écorchés vifs et des ratés de la vie…