PÉRIPLE • De puis hier et jusq'au 2 mars prochains, Léa et Benoît vont s’aventurer avec leur vieille Renault 4L au travers du désert marocain. A l’occasion du 4L Trophy, ils vont parcourir quelque 8000 kilomètres, et ce, pour la bonne cause. Rencontre.
C’est une petite carriole qui ne paierait pas de mine sans sa couleur rouge pétante et ses nombreux stickers dignes des plus grands rallyes. Avec ses 34 chevaux, son moteur Cléon de 956 centimètres cube, sa tonne à vide et ses 260’000 kilomètres au compteur, cette petite Renault 4L va traverser l’Europe puis le désert marocain pour l’annuel 4L Trophy. Après une année de préparation, recherche de sponsors, entraînement à la boussole, contrôles et réparations techniques, le départ est enfin là pour Léa Freyer et Benoît Prudhomme, ses propriétaires. Il est prévu le 15 février prochain.
L’excitation est à son comble pour les deux Vaudois. «Je suis un peu stressée, admet Léa, 21 ans, étudiante en sciences et histoire des religions à Lausanne. Mais je suis aussi impatiente de partir, on attend ça depuis l’année passée!» Benoît, 23 ans, est en dernière année de master en génie mécanique. Si elle gère tout ce qui est sponsors et communication, lui, c’est le mécano du binôme. «J’espère surtout qu’on est assez préparés et qu’on pourra ramener la voiture!», souffle-t-il. Reste donc à remplir la voiture de tout le matériel technique et mécanique, de nourriture, de leurs valises. Mais il faudra également garder de la place pour du matériel d’école et de sport pour des enfants marocains.
La solidarité, noyau du voyage
Car c’est ça, le cœur du projet. Né en 1997 sur l’initiative de Jean-Jacques Rey, ancien participant de Paris Dakar passionné de raids automobiles, le 4L Trophy a lieu chaque année au mois de février. C’est désormais l’agence Désertours, organisatrice de voyages sportifs et d’aventures, qui orchestre le voyage. La première année, trois véhicules prenaient le départ.
Aujourd’hui, ils sont entre 1500 et 2000 à s’être inscrits. Le concept: un rallye d’orientation réservé aux jeunes de 18 à 28 ans et de toutes les nationalités. Mais le but va au-delà du plaisir de conduire dans le désert. Depuis 2006, les organisateurs du rallye se sont unis à l’association «Enfants du désert» pour venir en aide à des enfants de la région du Drâa-Tafilalet, dans l’est du pays. Les participants au trophée acheminent du matériel pour leurs écoles. Pour l’occasion, le duo s’est constitué en association reconnue d’utilité publique, «Les Lilipuciens en 4L», en hommage à l’œuvre de l’écrivain Jonathan Swift. Ainsi, ils ont pu récolter fournitures et alimentation.
Au programme, 200 à 300 kilomètres par jour. «On va partir de Lausanne, aller jusqu’à Biarritz, et c’est là que se retrouvent tous les équipages et qu’aura lieu le grand départ de la course, explique Benoît. Il y aura des inspections techniques, ils vont regarder qu’on aie le matériel de sécurité à bord, que la voiture soit correcte, etc. On espère passer ces inspections sinon on ne peut pas partir.»
Depuis Biarritz, les quelque 2000 Renault 4L traverseront l’Espagne pour atteindre Algeciras, dans le sud de l’Espagne. «Traverser l’Espagne, ça va nous prendre deux jours, et chaque équipe roule comme elle veut, on est pas encore chronométrés pendant cette traversée. Enfin, on prendra le ferry pour traverser le détroit de Gibraltar, et une fois arrivés sur le sol marocain, une balise GPS va s’activer et va enregistrer les kilomètres qu’on va faire au Maroc.» But de la course: faire le moins de kilomètres possible sur des étapes déjà tracées. «Ce n’est pas une course de vitesse, il ne faut pas se tromper, sinon on peut s’ensabler ou vraiment se perdre.» Chaque matin, les équipages recevront un carnet de route pour l’étape du jour. Le circuit passera à travers la chaîne de l’Atlas pour passer des cols à plus de 3000 mètres d’altitude, avant de revenir sur des pistes dans le désert et arriver à Marrakech le 28 février.
Une alliée de choix
C’est donc aux capacités d’orientation que tout va se jouer. Aucun GPS permis, seulement une boussole et les instructions à disposition. «On s’est entraînés à la boussole, et au cap. Et puis on est jamais seuls, il y a beaucoup d’entraide pendant le raid. On essaie de se repérer à plusieurs. Les équipages s’arrêtent pour aider ceux qu’ils croisent et qui ont besoin d’aide. C’est un côté entraide qui nous a beaucoup motivés.»
S’il a fallu apprendre à lire une boussole, la connaissance mécanique de la voiture reste primordiale. «On a eu la chance de trouver une voiture qui avait déjà fait le raid l’année dernière, donc environ 60% du travail mécanique avait déjà été fait. On a fait une grosse révision de toutes les pièces existantes, changé les freins, les amortisseurs, et on a un peu amélioré son confort. On a refait les sièges, le volant et ajouté la radio.» Une conduite d’époque à laquelle il a fallu également s’habituer, comme à certaines spécificités de voiture de rallye. Le levier de vitesse, par exemple, se trouve sur le tableau de bord. «Elle réagit comme une voiture ancienne, elle va pencher dans les virages. Elle a moins de puissance, moins de freinage. On a moins de contrôle que sur des voitures modernes, mais tout est beaucoup plus simple à comprendre, à réparer si on a un souci. Et quand on la conduit, tout le monde se retourne pour nous regarder!» Le clou du relooking: un panneau solaire sur son toit, qui permet une autonomie énergétique quand le moteur est éteint, et qui, en route, permettra d’économiser 10% du carburant nécessaire à l’entier du raid. Le projet est de le laisser à une famille marocaine avant de rentrer en Suisse. En cas de problème, des mécaniciens sont présents à l’arrivée pour distiller aide et conseils. C’est aussi à cette occasion que les groupes se retrouvent pour partager le repas et la soirée. Au final, ce seront 8000 kilomètres d’adrénaline que le duo va avaler au volant de la Renault.
Participer à un tel projet a son prix. Si le coût de l’inscription seul se monte déjà à 3800 euros, il a fallu également compter 6000 francs pour acheter la voiture et 3000 pour la préparer. En tout, c’est un budget de 17’000 francs que le duo a prévu pour la totalité du voyage. Un projet qui, ils l’espèrent, restera ancré comme une expérience de vie...