Consommation de drogues: de jeunes Lausannois témoignent

Rédigé par
Rayan Meldan
Lausanne

DÉPENDANCE • Trouver de jeunes toxicomanes n’est pas aisé. Si la place de la Riponne, celle du Tunnel ou l’esplanade de Montbenon sont des lieux où l’on croise des consommateurs, ils sont généralement plutôt âgés. Cependant, nous avons fini par rencontrer Gwendal*, Emma* et Philippe*, tous trois dans leur vingtaine. Ils ont accepté de se livrer sur leur rapport aux drogues.

Emma*, étudiante de 23 ans, consomme des drogues depuis l’âge de 15 ans, suite à une hospitalisation en psychiatrie. Nous l’avons rencontrée un samedi soir à Montbenon, avant qu’elle ne se rende en soirée, avec son groupe d’amis au style plutôt alternatif et coloré. Emma* se souvient de sa première rencontre avec les drogues: «Je pense que c’est vraiment quand je suis allée à l’hôpital et qu’ils ont commencé à me bourrer de médocs. J’ai trouvé ça vraiment trop cool.» Cette première expérience avec les médicaments a ouvert la porte à une consommation plus large. Les benzodiazépines, initialement prescrites pour traiter l’anxiété, sont rapidement devenues une partie intégrante de son quotidien. «Je ne les utilise pas comme ils sont prescrits. On peut les écraser et les sniffer entre potes» admet-elle, même si elle reconnaît le côté glauque de la situation. Pour elle, la définition de la drogue se résume à son potentiel addictif, englobant tout, de l’alcool aux opioïdes. Pour se fournir, elle fait principalement appel à des dealers pour le cannabis, tandis que les drogues dures sont trouvées en soirée, sans contacts réguliers. 
Entre expérimentation  et autoculture
Gwendal*, également âgé de 23 ans, est un ami d’Emma* et fait partie du même groupe d’amis.Il nous raconte avoir également expérimenté de nombreuses drogues dont la MDMA et l’ecstasy, principalement en soirées. Il consomme aussi quotidiennement du cannabis et d’autres drogues dures occasionnellement, ce qui ne l’empêche pas de maintenir un emploi à 80% en tant que secrétaire dans un bureau. «J’ai un trouble de l’attention pour lequel je ne prends plus de traitement, mais le cannabis m’aide à gérer mon quotidien.»
Philippe*, quant à lui, est un contact que nous avons obtenu à la suite d’une annonce de recherche de témoignages sur les réseaux sociaux. Il nous a répondu par écrit, expliquant qu’il avait commencé à l’âge de 15 ans, d’abord en fumant des cigarettes avec des camarades. «Je n’y voyais aucun côté négatif, au contraire, ça me permettait de me faire des potes.» Peu après, il découvre le cannabis lors d’une soirée, et intensifie progressivement sa consommation, passant d’une consommation occasionnelle à une habitude hebdomadaire. «C’était en soirée à la base, puis en semaine après les cours.»
Pour se fournir, Philippe* compte sur l’autoculture: «J’ai un mini-système de plantation chez moi. Les plantes poussent dans une petite serre artificielle que j’ai faite moi-même. Ça me permet d’économiser un peu pour ma conso perso.» En plus de sa production locale, il se fournit aussi auprès d’amis ou de contacts à Lausanne, où, selon lui, il est facile de trouver des drogues. «Riponne, Montbenon, proche des boîtes de nuit, c’est limite plus simple que de se trouver une bouteille d’eau au milieu de la nuit.» 
Banalisation
Ces témoignages révèlent une banalisation du cannabis parmi les jeunes Lausannois. Une étude de 2018, cosignée par le CHUV et l’Université de Lausanne, indiquait que 27,4% des Vaudois ont déjà expérimenté le cannabis à 14 et 15 ans. Cette consommation, bien qu’encore perçue comme récréative par beaucoup, n’est pas sans conséquences. Philippe*, par exemple, compare les effets du cannabis à ceux de l’alcool: «Il y a un côté addictif à la clope, à l’alcool et au cannabis, mais tant que tu gères, c’est bon.» 
Reste que les jeunes rencontrés expriment tout de même parfois un sentiment de culpabilité quant à leur consommation. Et se disent d’accord pour dire que la prévention devrait être renforcée àLausanne... 

*prénom fictif, identité connue de la rédaction 

Frank Zobel, directeur adjoint chez Addiction Suisse, réagit

Lausanne Cités: Quelle est la dangerosité des benzodiazépines lorsqu’elles sont consommées hors prescription, comme dans le cas d’Emma*?
Frank Zobel: Les benzodiazépines, lorsqu’elles sont détournées de leur usage médical, peuvent rapidement entraîner une dépendance. Leur usage combiné à d’autres dépresseurs du système nerveux, comme l’alcool ou les opioïdes, augmente le risque de décès. Ce faux sentiment de sécurité, parce qu’elles sont prescrites, est trompeur et peut mener à des situations dangereuses.

Comment la consommation de cannabis, comme celle de Gwendal*, affecte-t-elle la santé mentale, en particulier pour ceux qui souffrent de troubles de l’attention?
De nombreuses personnes consomment du cannabis pour soulager des troubles de santé mentale, mais cette consommation peut parfois aggraver le problème plutôt que de l’atténuer. Il est important d’être conscient de ce risque et de ne pas considérer le cannabis comme une solution sans conséquences.

Quels sont les risques liés à l’autoculture du cannabis, comme le fait Philippe*, et que faut-il surveiller?
L’autoculture comporte des risques, notamment en ce qui concerne la qualité du produit. Les engrais chimiques, les moisissures, et autres contaminations peuvent rendre le cannabis nocif. De plus, le cannabis vendu dans la rue peut être une loterie en termes de qualité et de sécurité, avec des produits parfois plus dangereux que le THC lui-même.
 

En savoir plus