Au cinéma, quand Rousseau se décline en mode western

Un western naturaliste sur un rythme lent dans une variation proche de Rousseau: on trouve notre bonheur dans ce que nous prodigue la nature, avec justesse et sans excès.

A VOIR - FIRST COW
Belle surprise que ce western naturaliste et gourmand, qui explore en profondeur les liens qui unissent deux hommes utopistes et leur rêve de succès dans les confins d’une Amérique rude et sauvage. Il semblerait donc que tous les pionniers n’étaient pas des porte-flingues et autres monstres sans cœur prêts à décimer l’autochtone pour s’approprier les richesses locales. Cookie est cuistot et rêve d’ouvrir une boulangerie. King-Lu est chinois, philosophe un brin contemplatif, et poursuivi par des hommes qui veulent sa peau. Le film déroule son rythme lent sur une variation proche de Rousseau: on trouve notre bonheur dans ce que nous prodigue la nature, avec justesse et sans excès. La réalisatrice observe avec beaucoup de finesse la relation intense qui se tisse entre les deux hommes et accorde beaucoup d’importance à toute la nourriture que Cookie prépare: on a envie de goûter ses merveilleux gâteaux et son clafoutis aux myrtilles! Mais cet idéal de vie va virer au drame car peut-il vraiment tenir chez les pionniers où chaque quart de penny vaut le prix d’une vie? «First Cow» est une réussite qui évoque d’autres westerns naturalistes et non-violents comme «Jeremiah Johnson» ou «Butch Cassidy & The Sundance Kid».

A VOIR - LES DEUX ALFRED
Quel plaisir de retrouver les frères Denis et Bruno Podalydès en duo dans cette joyeuse comédie foutraque qui dénonce par la poésie de l’absurde les outrances modernes de notre siècle où tout est intelligent et artificiel. En suivant le parcours de deux hommes que tout oppose, sauf une immense soif d’humanité dans une société complètement déshumanisée, cette jolie comédie marche droit dans les pas d’un Jacques Tati du nouveau siècle, et Bruno Podalydès, à la réalisation, s’en donne à cœur joie pour décliner l’automatisation et la virtualisation systématiques de notre environnement quotidien. Tout semble idiot ici, les drones de livraison, les voitures sans chauffeur, les réunions virtuelles, les IA, l’entreprise 3.0, son esprit et son ameublement (des tables basses «trampoline» pour faire fun, des bureaux «ping-pong», des horribles apéros de travail, l’injonction de ne pas faire d’enfants) … Le film prend vite l’allure d’un ballet de drôlerie tendre qui dénonce les affres de la modernité. Sandrine Kiberlain est irrésistible en working girl dépassée par les événements, aux côtés des deux frères et de leurs personnages lunaires.