«La crise sanitaire nous a sérieusement malmenés, la Ville est en train de nous achever.»
Fabio Chincarini, patron du Café le 421
La fronde a débuté à Ouchy, début juillet. Elle atteint aujourd’hui d’autres quartiers, comme celui de Sébeillon ou les Plaines-du-Loup. En cause, la suppression par la Ville de nombreuses places de parcs pour les remplacer par des pistes cyclables, soit 7,5 kilomètres supplémentaires cette année, selon le dispositif mis en place. Une opération menée tambour battant par le Service de la Mobilité qui est loin, hors des adeptes de la petite reine, de ne faire que des heureux.
Sébeillon et les Plaines-de-Loup
Les premiers touchés sont les petits commerçants. Pas ceux du centre-ville qui regorge de parkings souterrains où il est toujours possible de trouver une place pour garer sa voiture. Mais ceux des quartiers «périphériques» pour qui une place de parc qui disparaît signifie clairement des clients en moins. A Ouchy, quelque trente aires de stationnement ont ainsi été supprimées depuis le début du mois en faveur d’une piste cyclable tracée entre la Croix d’Ouchy et le bord du lac. Comme dans le quartier de Sebeillon-Malley, sans visiblement qu’on mesure au préalable l’impact d’une telle démarche sur le commerce local.
«La crise sanitaire nous a sérieusement malmenés, la Ville est en train de nous achever», résume ainsi Fabio Chincarini, le patron du café le 421, au 77 de la rue de Genève qui avance qu’il perdu en gros le 50% de sa clientèle le matin et aux heures de midi. «C’est totalement injuste après la période de confinement que nous venons de vivre!» Même son de cloche de la part de Silvia, la coiffeuse qui tient boutique juste à côté et qui évalue son manque à gagner entre 15 et 20% depuis la mise en place des piste réservées! «Je n’ai rien contre les cyclistes, mais avant de faire n’importe quoi, il faudrait peut-être prendre le temps d’un peu réfléchir et discuter», commente-t-elle.
Sur les Plaines-du-Loup, la situation est identique en ce qui concerne le bar à café Le Sportif, seul petit commerce occupant la partie médiane de cette longue rue qui permet de sortir de la ville par le nord. «Le Service de la Mobilité a supprimé 15 places de parc devant mon établissement. On n’en a même pas laissé une pour les livraisons», explique la patronne des lieux avec beaucoup de tristesse dans la voix. «Avant, on s’arrêtait pour prendre un café le matin ou manger un petit en-cas. Depuis l’instauration de cette piste cyclable, ma clientèle a fondu comme neige au soleil. Seuls quelques habitués continuent de venir par solidarité. En 35 ans de métier, et après avoir géré trois autres établissements, je n’ai jamais rien vu de pareil!» Elle craint aujourd’hui très clairement d’être tout simplement obligée de fermer boutique.
Une méthode critiquée
Au-delà de la mise en place rapide de ce dispositif, ce qui frappe les commerçants touchés, c’est la méthode utilisée par le Service de la Mobilité et sa reponsable, la Municipale Florence Germond. Ils dénoncent unanimement un manque de concertation. A Ouchy, le syndic des lieux, Christophe Andreae, un homme connu pour sa pondération, n’hésite pas cette fois à sortir de sa réserve: «A la Municipalité, on n’a que les mots concertation et démarche participative à la bouche, mais dans le cas présent, la décision a été prise sans concertation aucune, de manière unilatérale, de plus en plein début de la pause estivale quand les gens commencent à partir en vacances!» Et l’homme de nous livrer une petite anecdote: «Début juin, dans le cadre d’une réunion du Groupement des acteurs économiques de Lausanne, Florence Germond est venue nous parler de son plan pour les pistes cyclables sur les hauts de la Ville. Pas un mot sur Ouchy à cette occasion. Trois semaines plus tard, une trentaine de places de parc y étaient pourtant supprimées.»
«Pas étonnant, enchaîne un commerçant qui souhaite garder l’anonymat. «C’est la méthode habituellement utilisée par la Municipale. Elle a des idées fixes, passe en force et jure après que des concertations ont bel et bien eu lieu.» D’autres lui prêtent même des intentions purement politiques. «C’est un calcul», commente un autre commerçant. «Elle évoque l’urgence climatique, mais n’oubliez pas que nous ne sommes qu’à quelques mois des élections communales. Elle doit donner des gages à ses alliés Verts qui ne cessent de grignoter du terrain, alors elle sort la grosse artillerie pour se les mettre dans la poche!».
Urgence climatique
Contactée, Florence Germond explique que la mise en place de ces mesures s’est faite dans l’urgence de la crise liée au coronavirus (lire ci-dessous) et indique qu’elle analysera l’impact de celles-ci sur les différents acteurs et que toutes les remarques seront analysées et discutées.