Tarifs des CFF: de qui se moque-t-on?

TRANSPORTS • Alors que le billet de train suisse est le plus cher d’Europe, de nombreux usagers sont contraints de renoncer au au rail. Des acteurs réclament une baisse des prix.

«Les pouvoirs politiques doivent cesser d’investir dans les routes et mettre 
les moyens dans les transports publics»
Thibault Schneeberger, coordinateur
de l’association actif-trafiC

«Le train en Suisse est beaucoup trop cher: je préfère prendre ma bagnole. Si les prix étaient plus abordables, je pourrais envisager les transports collectifs.» Voilà la phrase qui ressort le plus, lorsqu’on demande aux automobilistes pourquoi ils ne se tournent pas vers le rail pour effectuer leurs déplacements. Et pour cause, prendre le train dans notre pays coûte plus cher qu’ailleurs, et c’est  un euphémisme.
Des exemples? Il en existe à la pelle. Ainsi, pour effectuer un trajet entre Lausanne et Genève, soit environ 60 kilomètres de distance, il vous faudra débourser 22 francs pour un billet de train en plein tarif. Pour un trajet de même distance et de même durée en France, par exemple entre Lyon et Saint-Etienne, le tarif tombe à 13 euros, soit un peu plus de 12 francs, à l’heure où nous écrivons ces lignes.
En Italie, c’est encore plus abordable. Pour se rendre à Modène depuis Parme, toujours une soixantaine de km, cela ne vous coûtera «que» sept euros environ. En Allemagne en revanche, le prix remonte, mais reste tout de même plus attractif qu’en Suisse. Pour rejoindre Wolfsburg depuis Hanovre, il faut compter environ 17 euros. Une réalité qui a notamment été quantifiée en 2016 à l’occasion d’une grande enquête menée par le voyagiste en ligne allemand GoEuro, et qui révélait que le billet de train suisse est le plus cher d’Europe.
Plus cher que l’avion
Mais ce n’est pas tout. Si on compare les prix des billets de train à ceux des billets d’avion, la différence est souvent encore plus flagrante. Pour se rendre à Paris depuis Genève, vous trouvez des places à moins de 30 euros par le ciel. Difficile d’en dégotter à ce prix-là par le rail, où les billets se vendent généralement autour de 50 euros, voire beaucoup plus si l’on n’a pas pu anticiper son voyage. Dans ce cas aussi, l’écart a été quantifié, cette fois par Greenpeace, qui indique que le train coûte en moyenne 70% plus cher que l’avion.
Comme si cela ne suffisait pas, le prix de l’abonnement général helvétique va prendre l’ascenseur avec une hausse de 135 francs l’année prochaine. Résultat, il faudra débourser 3995 francs pour se procurer le précieux sésame. Alors même qu’en Autriche, un abonnement général trois fois moins cher qu’en Suisse, vient d’être mis en place. Idem pour le prix du billet, qui connaîtra dès le mois prochain une hausse de 3,7% en moyenne.
Autant de réalités qui pénalisent les Suisses dans leurs déplacements, et les poussent à privilégier des transports polluants. Pour tenter d’inverser cette tendance, de nombreux acteurs du milieu militent pour un abaissement des tarifs du train en Suisse.
Changement global
C’est notamment le cas du mouvement citoyen et apartisan «Agissons», qui cherche à «imposer des changements radicaux dans notre société», et qui œuvre en faveur d’un abaissement des tarifs du train en Suisse. Sa solution: instaurer une gratuité partielle et ciblée, tout en fixant un prix unique pour l’abonnement, de l’ordre de 10 francs par mois (120 francs par an). Une manière de contourner la décision du Tribunal fédéral, qui a récemment rappelé l’impossibilité pour les cantons d’instituer une gratuité totale sur le plan légal. Le mouvement a d’ailleurs lancé une récolte de signatures en vue d’une mobilisation plus grande. Pour Greenpeace, il s’agirait d’aller encore plus loin, en mettant sur un pied d’égalité le train et l’avion.
L’organisation appelle à une nouvelle taxe sur le kérosène, de l’ordre de 50 centimes par litre à l’échelle européenne, et réallouée au ferroviaire. Du côté d’actif-trafiC, qui défend la mobilité durable, le changement doit être global. Si l’association estime qu’une baisse des prix est nécessaire pour supprimer un obstacle aux transports publics, celle-ci ne doit pas se faire au détriment de la desserte et des fréquences. «Pour les usagers, la qualité de l’offre compte énormément. Abaisser les prix doit donc se faire dans le cadre d’un tournant global dans la politique de mobilité», détaille Thibault Schneeberger, coordinateur pour la Romandie. «Il faut briser le dogme qui fait payer la moitié des coûts par l’usager. Les pouvoirs politiques doivent cesser d'investir dans les routes et mettre massivement les moyens dans les transports publics, pour à la fois améliorer l’offre et infléchir les tarifs.»
Des arguments que l’on retrouve en partie du côté de l’Union des transports publics, qui estime qu’une gratuité totale des transports ferait peser de lourdes charges sur les pouvoirs publics. «Cela signifierait que tous les habitants du pays, qu’ils vivent dans des zones urbaines bien desservies ou dans des régions périphériques subiraient une charge supplémentaire, sans tenir compte de leur degré d’utilisation du train», estime notamment la faîtière. Qui ajoute que tous les exemples d’essais de gratuité indiquent qu’il ne se produit pas de transfert en tant que tel du trafic motorisé vers les transports publics.
Des réductions sont possibles
Un avis partagé par Alliance SwissPass, qui définit les dispositions tarifaires en Suisse, et qui justifie les prix des billets en Suisse par la qualité de l’offre. «Le rapport qualité prix des transports publics suisse est excellent en comparaison internationale et la densité de l’offre est sensiblement plus élevée que dans les pays voisins. Fréquences des trains, ponctualité, desserte de tout le territoire: tous ces aspects placent la Suisse en pointe au niveau européen», détaille Bruno Galliker, porte-parole pour la Suisse romande.
La communauté tarifaire défend son offre, rappelant que des réductions sont possibles. Parmi les exemples cités: les abonnements, qualifiés de «très avantageux», les billets dégriffés, qui permettent de se déplacer à moindres frais, ou encore les «FlexiAbo», prévus pour ceux qui n’empruntent les transports en commun que certains jours de la semaine.