Etat de Vaud: le temps béni des fonctionnaires?

  • En dix ans, le personnel de l’administration publique vaudoise a nettement augmenté. 
  • L’accroissement de la bureaucratie et l’inutilité des fusions de communes irritent certains élus. 
  • Le dossier fait polémique au plus haut niveau du canton.

  •  Trop de fonctionnaire et donc trop de bureaucratie dans le canton? DR

    Trop de fonctionnaire et donc trop de bureaucratie dans le canton? DR

«Quand les résultats déplaisent, on attaque la méthode de calcul.» Christophe Koller, responsable de la base de données BADAC

Le nombre d’emplois dans l’administration publique est un sujet qui dérange. Christophe Koller, spécialiste de la question et responsable de la base de données des cantons et des villes suisses BADAC, en a fait l’amère expérience. Il y a quelques semaines, il publie les chiffres vaudois tirés des résultats obtenus par l’Office fédéral de la statistique. Et là, tout bascule. «Depuis cette publication, je suis littéralement conspué par certains élus» explique-t-il. «Une interpellation parlementaire a été déposée afin de faire la lumière sur ce dossier. Je ne pensais pas que tout ceci était aussi sensible. Ces réactions sont stupides.»

Vaud est le champion

Que disent les chiffres? Depuis dix ans, le personnel communal a diminué un peu partout en Suisse. Cependant, le canton de Vaud est l’une des exceptions avec une augmentation constatée de 34%. Une hausse aussi remarquée au niveau cantonal. «Cela prouve l’échec de la tentative de contrôle des communes par le canton, souligne Christophe Koller. Mais quand les résultats ne plaisent pas aux élus, ils tentent de les discréditer.»

Au niveau du Conseil d’Etat vaudois, le moins que l’on puisse dire est que le sujet sème quelque peu la zizanie. Contactée pour répondre à nos questions, Nuria Gorrite, en charge du département des infrastructures et des ressources humaines, botte en touche: «Il faut vous adresser à mon collègue Pascal Broulis, je ne m’occupe pas de cette question.» Ce dernier, en charge des finances, est étonné de cette réaction. «Ce n’est pas à moi de répondre, mais je vais tout de même vous donner mon point de vue. Les chiffres publiés sont truffés d’erreurs. Ils sont faux de A à Z! Ce travail a été clairement bâclé et, selon moi, il ne vaut rien.»

Bureaucratie écrasante

Si la bataille des chiffres fait rage, l’accroissement du nombre de fonctionnaires est tout de même constaté par certains élus. C’est le cas de Claudine Wyssa, présidente de l’Union des communes vaudoises: «On peut être dubitatif sur cette étude, mais, dans tous les cas, on remarque tout de même qu’il y a des raisons à cette augmentation. Tout d’abord, les fusions de communes ne permettent pas vraiment de diminuer le nombre de fonctionnaires. Ensuite, la population est en augmentation dans le canton de Vaud, cela demande donc davantage de travail à l’administration publique et les communes ont des tâches de plus en plus complexes à réaliser. Et puis, c’est une évidence, la bureaucratie écrasante pèse de tout son poids. Le meilleur exemple est celui des modifications liées à l’aménagement du territoire, c’est de la paperasse en plus!»

Un constat partagé

Ce constat est partagé par Gustave Muheim, vice-président de l’Association des communes et syndic de Belmont-sur-Lausanne: «Je ne conteste pas le fait qu’il y ait un besoin de nouveaux employés, mais pourquoi dans le canton de Vaud, il y en a plus qu’ailleurs? Je pense que cela est dû au fait que l’administration y est très tatillonne. Cette façon d’appliquer les lois et les règlements crée de la bureaucratie. Et le problème, c’est que les communes ont peu de marge dans ce processus, elles exécutent les décisions cantonales. On doit, en permanence, traiter de la paperasse…»

Alors des chiffres faux ou, au contraire, un poids de la bureaucratie de plus en plus présent dans le canton? On en reparlera sans doute prochainement suite au dépôt d’une interpellation du PLR Jean-Marie Surer qui, suite à la publication de BADAC, souhaite en savoir plus sur l’évolution des effectifs dans les administrations cantonales et communales vaudoises et savoir également si la méthodologie proposée, que conteste Pascal Broulis, et les chiffres qui en résultent, sont fiables ou non.

Et maintenant?

Face à la levée de boucliers qu’a suscité la publication des chiffres de la BADAC, le canton de Vaud a décidé de faire le point sur la situation. Peut-on s’attendre à un recomptage du nombre de fonctionnaires et à de nouveaux chiffres? Pour Gilles Imhof, directeur de STATVD, il n’en est pas question: «Nous n’allons pas tout refaire, car cela prendrait trop de temps et coûterait trop cher. Mais, il est vrai, que la méthode utilisée par la BADAC fait que l’on compare des choses incomparables, car, en 2008, il y a eu un changement dans le recensement des employés de l’administration publique. On ne peut donc pas mettre en perspective, par exemple, les années 2006 et 2010.» La prochaine étape est prévue au mois de juin avec une réponse à l’interpellation parlementaire qui officialisera la position du canton de Vaud. Elle ne manquera pas de relancer encore une fois une guerre des chiffres déjà féroce…