Aucune ville au monde ne célèbre les danses de salon avec autant de pompe et de romantisme que Vienne. Près de 450 fois par année, cette tradition bien vivace donne le vertige aux quelque 300’000 amateurs accourus du monde entier pour se mêler aux Autrichiens. Le secret viennois, c’est la façon dont ont été jalousement préservés les rituels enseignés dans de nombreuses écoles spécialisées. Star comme son propriétaire Thomas Schäfer-Elmayer, la Tanzschule Elmayer est la garante de l’étiquette. Elle propose chaque année son élégante soirée dansante Kränzchen. De leur côté, les fans de bals masqués vont au Rudolfina-Redoute, en période de carnaval.
Ce goût pour les réjouissances costumées remonte au XVIIIe siècle. À l’époque, le port de masques et de costumes était réservé au cadre aristocratique privé. C’est l’empereur Joseph II qui décida d’ouvrir au peuple les salles de divertissement du palais impérial. Les Viennois s’empressèrent alors de reprendre à leur compte les mœurs de la cour et tout le faste lié à ces fêtes. On connaît la suite…
A chacun son bal
En dehors de la fameuse Fête impériale (à l’École d’Équitation espagnole), les bals viennois sont organisés par différentes confréries, comme le Kaffeesiederball par les cafetiers. Il transforme le palais impérial en un immense café dansant empreint d’élégance et de charme. De nombreux visiteurs terminent la nuit en beauté au Café Landtmann, emmenés par des fiacres. On se sustente aussi au bal Johann Strauss, qui régale ses hôtes au restaurant du Kursalon. Mais pour beaucoup, c’est bien celui de la Philharmonie de Vienne qui marque le temps fort de la saison. Il se déroule dans les salles du Wiener Musikverein, d’où est également retransmis en mondovision le concert du Nouvel An. L’Opernball - donné à l’Opéra - est le bal officiel de la République et des artistes lyriques.
Faire l’impasse sur cet héritage impérial serait négliger l’ADN d’une nation qui n’a pas fini de valser entre tradition et modernité. Ce serait feindre d’ignorer qu’à Vienne comme nulle part ailleurs, tout s’agence en cercles: les arrondissements autour du centre, les Rings (boulevards circulaires) qui l’entourent… jusqu’aux modes et courants d’idées, soumis à un maelstrom permanent. Pas étonnant, donc, qu’aux mesures à trois temps d’autrefois se substituent aujourd’hui les rythmes endiablés de la techno ou des DG tendance. C’est notamment le cas au déjanté Rosenball, qui n’hésite pas à faire la part belle aux tubes de ces dernières décennies.