«Un entretien par téléphone suffit largement au médecin pour évaluer la nécessité d’un examen et à quel délai le planifier.»
Christophe Kaempf, porte-parole de santésuisse
«La crise du coronavirus a permis à de nombreuses personnes de découvrir qu’il était possible de se soigner à distance», lance Jean-Gabriel Jeannot, spécialiste en médecine interne et expert de la télémédecine, à Neuchâtel. Convaincu de la nécessité du développement de cette pratique numérique, ce médecin vante l’apparition des plateformes numériques de santé 2.0. Consultations par vidéo, téléphone et même par e-mail, ce modèle de soins, déjà utilisé par 15% des Suisses, est pourtant soumis à une tarification obsolète. «Avec la structure tarifaire actuelle en Suisse, il serait impossible à un médecin de payer son cabinet en pratiquant, ne serait-ce que 50% de ses consultations, en télémédecine», déplore Philippe Eggimann, président de la Société Vaudoise de Médecine (SVM). Une obsolescence non contrôlée, car le système tarifaire médical helvétique ne tient tout simplement pas compte du développement des moyens de communication numériques et des appareils de diagnostic à distance.
L’essor des soins à distance
«Il serait temps de reconnaître qu’il est possible de soigner à distance, autrement que par téléphone», dénonce Jean-Gabriel Jeannot. Une observation que partage le président de la SVM: «Aujourd’hui, il n’est en effet possible de facturer que des consultations par téléphone. De plus, la tarification ne prend pas en charge l’infrastructure d’un cabinet». En clair, ni les locaux, ni les employés du cabinet, ni même le combiné téléphonique, ne sont pris en compte dans le calcul de la facturation d’une téléconsultation. «Il est vrai qu’en temps normal, un médecin est moins payé en téléconsultation qu’en recevant ses patients à son cabinet», avoue Christophe Kaempf, porte-parole de santésuisse, l’association faîtière des assurances maladies. Un constat qui pourrait favoriser les tensions au sein de la branche, alors que tous les acteurs du domaine médical s’accordent à dire pourtant qu’il faut soutenir l’essor de la télémédecine.
Et si les médecins ont joué le jeu pour cette fois, à l’aune de la pandémie de coronavirus, ils y ont néanmoins été aidés. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles: les médecins ont en effet pu facturer leurs téléconsultations sur la base des tarifs des consultations présentielles. Une dérogation accordée par l’OFSP, relative à l’ordonnance COVID-19 du Conseil fédéral. «Toutes les mesures introduites dans le cadre de la situation extraordinaire ne peuvent être maintenues que si elles sont intégrées dans la législation ordinaire», conclut Yvonne Gilli, porte-parole romande de la Fédération des médecins suisses, FMH.
Un modèle qui pourrait s’imposer
Si une refonte du système tarifaire suisse semble nécessaire, la téléconsultation pourrait malgré tout représenter une bonne réponse à la surconsommation médicale effrénée des citoyens suisses. C’est en tout cas ce que s’accordent à dire les différents acteurs de la santé. «Aujourd’hui nos services d’urgences sont engorgés. Et cela résulte bien souvent de l’afflux de patients avec de petits problèmes de “bobologie”. Les plateformes de consultation en ligne sont excellentes pour répondre à ce type d’affections non urgentes», explique Philippe Eggiman.
«En plus, leur modèle d’affaires, basé sur des petits prix, permet aux patients qui ont des franchises élevées d’obtenir des consultations à moindre coût», ajoute le porte-parole de santésuisse. Mais la télémédecine présente un autre avantage, celui du tri des patients et d’une meilleure efficacité de l’organisation opérationnelle. «Un entretien par téléphone suffit largement au médecin pour évaluer la nécessité d’un examen et à quel délai le planifier. En outre, elle permet de régler rapidement les problèmes d’arrêt de travail ou de prescription de traitements», précise le président de la SVM. Un modèle qui pourrait bien s’imposer face à l’explosion des coûts de la santé, dans un pays où plus de la moitié des appels aux urgences débouchent sur l’intervention onéreuse d’une ambulance.