A Lausanne, l’immeuble de la honte refait parler de lui

VOISINAGE • Les riverains de l’immeuble situé au 85 rue de Genève n’en peuvent plus. Ils témoignent et dénoncent des incivilités de toutes sortes. Déchets jetés dans la rue, toxicomanes, tapage nocturne et prostitution empoisonnent leur vie quotidienne. Les autorités font ce qu’elles peuvent.

Prises séparément, aucune des incivilités énumérées ci-dessous n’est à proprement parler gravissime, quoique pour certaines… Cumulées en revanche, elles dressent le tableau d’un quotidien souvent désagréable et c’est un euphémisme, pour bien des riverains.
Commençons par le pire. Dans ce quartier, des toxicomanes se piquent dans la rue au vu et au su de tout le monde, non loin des dealers qui viennent à la nuit tombée, distribuer leur came et hélas, très près d’une garderie qui accueille bon nombre d’enfants. «Ici on voit passer toutes sortes de drogues, témoigne un riverain. Une fois, j’ai même vu quelqu’un s’injecter quelque chose entre les orteils».
Et puis, pas loin de là, il y a les prostituées, certes cantonnées depuis 2017 dans un périmètre restreint, mais que l’on peut voir la nuit, dans un parking au travers d’une vitre de voiture, pratiquer leur art. «Il m’est même arrivé de trouver des capotes par terre en promenant mon chien», ajoute un autre habitant du quartier.
Cris, tapage et déchets
Et puis il y a le reste, moins grave mais tout aussi incommodant. Ces groupes de personnes, souvent avinées et qui hurlent toute la nuit, squattant des heures durant les bancs publics ou même l’arrêt de bus non loin de là, obligeant les usagers à attendre à côté, debout sur le trottoir. Sans compter les bouteilles et objets qui tombent depuis les fenêtres, les vols de colis dans les boîtes aux lettres aux alentours, et les déchets qui régulièrement encombrent les rues et l’espace public, malgré les efforts des services de voirie.
Problèmes multiples
«Les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont multiples et persistent malgré nos très nombreuses doléances, déplore, amer un habitant des nouveaux immeubles de Sébeillon, juste à côté. Des détritus sont régulièrement abandonnés, les tapages nocturnes et les bagarres fréquentes sont devenus insupportables, perturbant notre repos. Malgré nos multiples tentatives pour signaler ces problèmes à l’administration communale, rien de concret n’a été fait pour résoudre cette situation inacceptable».
Dénominateur commun de tous ces problèmes: un seul lieu, l’immeuble du 85 rue de Genève. «Bien sûr, explique ce voisin, ce ne sont pas tous les habitants de l’immeuble qui sont responsables de cette situation, mais il y a une minorité de personnes qui empoisonne la vie de tout le quartier». «C’est vrai qu’il y a un problème avec cet immeuble, confirme un commerçant. Nombre des gens qui y habitent vivent la nuit et ne se réveillent qu’en début d’après-midi, ce qui explique que les nuisances se concentrent surtout en soirée».
Police sollicitée
Notoirement connu des Lausannois, le 85 rue de Genève s’était à l’époque distingué pour héberger des salons de massage dans un cadre particulièrement insalubre. Evacuées par la police en 2014, les prostituées qui n’avaient plus le droit d’exercer dans la rue, ont été contraintes de travailler dans un périmètre restreint non loin de là, rue de Sébeillon et avenue de Sévelin. Selon des témoignages recueillis sur place, certaines continueraient néanmoins à occuper des studios dans l’immeuble, sans compter un grand nombre de migrants «désœuvrés» pour reprendre l’expression d’un voisin qui déplore que la police n’intervienne pas plus souvent.
«La police est régulièrement sollicitée pour intervenir à cet endroit, confirme Sébastien Jost, chargé de communication de la police lausannoise. Elle intervient rapidement afin de faire cesser le trouble et ramener le calme. En cas d’infraction constatée, elle dénonce les auteurs. De son côté, la police de proximité agit en résolution de problèmes dans le secteur des nouveaux immeubles de Sébeillon».
Sacs noirs abandonnés
Côté propreté urbaine et déchets, la Ville fait également ce qu’elle peut: «Dans cette zone, la rue est nettoyée tous les jours et lavée une fois par semaine, explique Stéphane Beaudinot, chef du service de la propreté urbaine. Nos constats sur place n'ont pas relevé de problème particulier de propreté sur le domaine public à ce niveau-là. Par contre, en ce qui concerne la gestion des déchets, des sacs noirs sont abandonnés. Ces incivilités nuisent à l’état de propreté du quartier et nous le regrettons. Nos agents de la propreté ont mené plusieurs actions sur les sacs noirs retrouvés dans l'espace public afin d'en identifier les propriétaires ce qui n’est pas toujours aisé».
Alors en attendant des jours meilleurs, les habitants s’adaptent ou partent, du moins ceux qui le peuvent. Dans les immeubles de Sébeillon, des locataires font livrer leurs colis ailleurs, et des régies placent des caméras pour surveiller… les boîtes aux lettres.
«Tout ce que je peux dire, c’est qu’il y a beaucoup de gens qui déménagent et partent d’ici, témoigne un livreur qui fournit régulièrement des repas dans le quartier. Sur certaines boîtes aux lettres, les noms ont changé plusieurs fois en une année».